lundi 9 avril 2012

Antilles.(3). J'allume la mèche.

Le revival commence ici et se poursuit ...

Je réalise que c'était il y 9 ans, presque jour pour jour. Je n'ai jamais écrit sur cet épisode de ma vie. Est-ce la lecture de R et de son incroyable aventure brésilienne ? Est-ce CUI et ses "je me souviens" ? La découverte de Chut, de son écriture, de ses voyages, de ses souvenirs entremêlés?  L'émulation de l'écriture, l'envie de solder une histoire qui fait partie de moi et qui m'a amenée finalement à plus de conscience et plus de liberté... 

Un soir, avec mon amie, nous atterrissons dans un "comedor" (restau tenu par des dominicains) où nous commandons l'éternel pollo frit.
C'est incroyable le nombre de poulets ingurgités dans l'île où c'est la seule viande abordable avec le porc. Avec le sanconcho (ragoût de légumes et de viandes), c'est le plat national. Il y en a partout en vente, grillé le long de la route, petits réchauds à même le sol, cru dans les étals de boucheries en plein air, à peine abrités d'une tôle,  pleins de mouches au soleil, et vivants, courant dans les cours, les rues...  Poulet/riz... Pollo con arroz. Le poisson, les langoustes, sublimes, sont en grande partie réservés aux restaurants touristiques. Les restaurateurs européens viennent se fournir directement sur les plages au retour des pêcheurs...
On s'assied dans une véranda vaguement éventée par les pales d'un ventilateur asthmatique, à une table recouverte d'une toile cirée un peu poisseuse.  A côté de nous un groupe de dominicains, hommes et femmes, fête un anniversaire. Très vite, la conversation s'engage, amicale, on trinque, on entonne "Happy Birthday".... Il y a peu de clients. Je ne parle toujours pas espagnol, mais on s'arrange en anglais. Un homme m'approche, jeune et joli métisse. Nous parlons. Il m'a vue, mais oui, tu sais, tu es venue changer de l'argent... Ca me revient. Il y a deux ou trois officines de change au bas de la Calle Principal, à côté de l'arrêt des bus... J'ai effectivement changé là mes dollars le premier jour et me suis enquise des excursions en bateau pour voir les baleines. Il parle assez bien anglais. Tu viens d'où ? Ah! Marseille! El Sur de la Francia! Bla bla bla. Vamos a bailar ? La bachata n'est jamais loin. Dans le restau, il ne reste que nous, on est en semaine, et hors saison. On danse une bachata, un merengué collet serré... Je sais que je danse bien. J'ai toujours bien dansé, et j'aime ça. Le petit groupe s'exclame gaiement. Que bonita! Como ella baila ! Muy bien! Même mon amie, que le pollo grillé n'enchante pas, se déride et la soirée file joyeusement.

La suite est banale sans doute. Une amourette de vacances. Sauf que j'ai 40 piges passées, et que je suis mariée, que j'ai une fille de 10 ans, que j'ai une vraie vie quelque part et que ce qui aurait du n'être qu'une historiette va être un détonateur... J'allume la mèche...

Il s'appelle Alex, pour Alejandro. Pendant un jour ou deux, je l'aperçois en ville, nous nous saluons, on se tourne clairement autour. Un matin, je marche sur la piste qui longe la plage en allant vers le village. Une moto s'arrête. Alex me propose de m'amener. Je grimpe et me colle contre son dos, mes mains sur ses hanches... Quand on arrive devant l'office de change où il travaille,  il m'invite pour le soir même à une autre soirée. Il a vraiment un joli sourire, des yeux rieurs... Je passe une journée rêveuse. Le soir, il passe me prendre à l'hôtel en moto. Nous sortons, allons diner. Il a trente ans, étudie le droit à l'université de Santiago de Los Caballeros, prend le bus deux fois par semaine à 5H du matin pour aller en cours, veut devenir avocat, a eu un fils avec une américaine repartie là-bas, sort d'une longue et orageuse histoire avec une française venue travailler dans le tourisme et elle aussi repartie... On va boire un verre dans un des bars de la plage. Sur la terrasse, sous la lune, les palmiers se détachent, ombres chinoises, et la musique s'accorde au léger rythme du ressac... On danse encore. On danse tout le temps et partout en Rep Dom. Le corps est là, présent, alangui par la chaleur, le rhum, les vacances, la musique omniprésente, et en même temps vif, alerte, attentif, sensible ... Il m'enveloppe de sa chaleur et petit à petit de son désir. Il devient langoureux, ses gestes se font doux, son corps cherche le mien... Très près, très très près... Je sens son sexe contre ma cuisse, mon pubis, qui ne laisse aucun doute sur ses intentions... J'adore ça. Un long baiser scelle notre pacte pour la fin de la nuit. Un pacte avec le Diable... On rentre à l'hôtel et on fait l'amour tropical... Une fois, deux fois, trois fois dans la nuit... Il est insatiable... Sa fougue me surprend et m'enchante. Le lendemain matin, je le regarde prendre sa douche. Il a un corps de rêve. Il n'est pas grand, sa peau est lisse, imberbe, douce et ferme avec cette couleur, ces reflets, cette qualité particulière des peaux noires ou métisses, il est mince, parfaitement proportionné, a les hanches étroites, le ventre plat, orné de discrètes tablettes de chocolat, des épaules rondes et musclées, des jambes de fille, des attaches fines, et un cul... Mais un cul! Son sexe savonneux ne demande qu'à bander à nouveau... Je me souviens m'être approchée et l'avoir sucé sous le filet d'eau tiède tandis que la pluie tiède se mettait à tomber, et que la végétation exhalait ses parfums alourdis par l'eau et l'odeur de la terre transformée en boue. Après que nous ayons joui à nouveau sur le lit humide de nos corps et de la moiteur ambiante, je suis sortie nue sous la pluie, boire l'eau du ciel, la laisser me laver et me convaincre que je ne rêvais pas.

Je n'avais pas fait l'amour depuis des mois. J'ai eu l'impression de me réveiller après une hibernation... J'ai eu l'impression d'être la belle au bois dormant sous les baisers du prince (parce que hein, cette histoire là, c'est quoi d'autre je vous le demande!?). J'ai eu l'impression que mon sexe était à nouveau le centre de mon être et avec lui, ma peau, ma bouche, mes mains, mes seins, mes fesses...  J'avais été morte et je revivais.

22 commentaires:

  1. la République dominicaine est très connue pour ses amourettes entre hommes jeunes et femmes plus âgées, au point qu'il y a un tourisme sexuel féminin là-bas (en majorité des Américaines du Nord), c'est montré dans un film avec Charlotte Rampling (ça se passe à Haïti mais c'est pareil pour la République Dominicaine). c'est vrai maintenant aussi pour l'Afrique. en ce qui concerne votre aventure il n'est évidemment pas question de cela, mais je me demandais si le succès de ce tourisme sexuel ne tenait pas au fait que les Dominicains/Haïtiens soient de merveilleux amants (ce sont ce que Américaines disent). qu'en pensez-vous?

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    1. Le tourisme sexuel qui concerne les hommes et les femmes a lieu aux Antilles, en Amérique latine et centrale, à Bali, en Afrique, au Maghreb... Dans tous les pays pauvres de la planète. Je n'ai pas vu le film avec Rampling, mais j'ai vu des reportages à Envoyé Spécial notamment qui traitaient de ce sujet précis (femmes occidentales/hommes du tiers-monde). Ces amants là ne sont pas meilleurs que d'autres (qu'est-ce qu'un(e) bon(ne) amant(e) ? Chacun(e) a sa réponse...) mais ils correspondent, à un moment donné dans la vie d'une femme à un fantasme (des fantasmes) d'ailleurs, d'une autre vie, douce et tranquille, à un retour de flamme, une jeunesse, à des peaux, des corps, du sexe que ne leur donnent pas leurs maris/compagnons, à une facilité, une part de rêve... Je crois que c'est ça, plutôt que des amants exceptionnels.

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    2. j'ai une connaissance allemande qui dépense tout son argent pour voir un homme au Kénya dont elle est folle. elle dit, désolée pour le cliché mais il lui appartient, qu'aucun homme européen peut lui procurer l'intensité sexuelle et passionnelle qu'elle ressent avec lui (je crois que c'est surtout vrai pour le milieu dans lequel elle est évolue). elle a soixante ans passé, elle a l'air tout ce qu'il a de plus classique et même mémère, c'est assez étonnant. elle n'est pas vraiment dans la norme du reportage que j'avais vu sur les Américaines esseulées et leurs voyages en République Dominicaine. ces dernières recherchent une relation complète, un compagnon amoureux de vacances. ce qui m'avait touchée aussi c'était le côté sincère et l'incroyable gentillesse de ces hommes qui s'attachent d'une certaine façon à ces femmes et qui ont une de la compassion pour leur solitude.

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    3. Ceetes... Mais enfin, il y a aussi beaucoup de jeunes gens qui vivent de cela. De cadeaux en cadeaux, de restaus, de montres, de téléphones portables et d'ordinateurs, de motos, offerts par les occidentales. Je ne doute pas des sentiments qui meuvent votre amie et cet homme. Simplement, je sais aussi pour l'avoir vécu et vu que pour beaucoup de ces jeunes hommes et de ces jeunes femmes (sans parler de la traite des mineurs), c'est pour eux un moyen de sortir de la misère et parfois du pays, d'avoir un visa grâce à un mariage... C'est aussi une émigration économique. A laquelle se mêlent des sentiments et c'est là où ça devient compliqué.

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  2. Même si ce n'était qu'une amourette de vacances, on a encore le droit à 40 ans ! Et ensuite... d:-)
    Le réveil du volcan est toujours un plaisir. J'attends et je crains en même temps le quatrième chapitre.

    @ la parisienne : dire "les Dominicains/Haïtiens sont de merveilleux amants", ne serait-ce pas comme "les noirs ont le rythme dans la peau", un énooorme cliché ?

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    1. On en le "droit" à tout âge... Oui, c'est un cliché...

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  3. @Christophe, aucune idée si ce sont de merveilleux amants, c'est une question que je pose justement! je me base sur les témoignages des femmes qui font du tourisme sexuel en République Dominicaine. il doit bien y avoir quelque chose qui les attire et la façon dont elles parlent de ces hommes est touchante (on sent que ces hommes leur apportent de la tendresse, de l'attention, du respect etc., bref tout ce que peut apporter un amant et non un serial baiseur) - on est bien loin du cliché (si l'on doit parler de cliché) du gigolo...

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    1. Oui. J'ai essayé de répondre. Je développerai peut-être dans la suite de l'histoire...

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  4. Voir le film avec Rampling... il apporte un témoignage de "l'échange" au delà de l'argent.

    ---"On danse encore... la musique omniprésente ... Il m'enveloppe de sa chaleur et petit à petit de son désir... son corps cherche le mien... Très près, très très près... Je sens son sexe contre ma cuisse, mon pubis, qui ne laisse aucun doute sur ses intentions... J'adore ça" --- (si vous me permettez le raccourcis) cet abandon à la musique, au rythme du Kompa ou du Zouk (pour moi), cet abandon au rythme des corps lorsqu'ils se trouvent... est oui, irrésistible. L'accord des corps, sentir son envie maîtrisée, sentir l'envie monter. J'adore ça aussi.

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    1. Merci Claire de ce commentaire. J'ai lu votre post "sensualité verticale" dont j'ai sans vergogne ( pardonnez moi!) repris le titre, excellent, mais pour le tango... A bientôt!

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    2. Je vous "piquerais" deux mots un de ces quatres :)

      (blague à part... feel free! )

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  5. La Parisienne, je n'ai lu dans le récit de Marieh2o qu'une renaissance après une traversée du désert. Pourquoi vouloir toujours replonger dans la réalité sordide ???

    Marieh2o, j'ai retrouvé dans ton récit, même si les circonstances étaient totalement différentes, les sensations d'une femme qui renait et retrouve goût à la vie, après en avoir presque oublié le goût ... J'adore ta façon d'écrire, moi, c'est surtout ça que je retiens.

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    1. Merci Kay! J'ai plaisir à penser que tu as du plaisir à me lire!

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    2. @Kay, c'est vous qui voyez du sordide où il n'y en a pas forcément. si vous me lisiez correctement vous verriez que je ne fais aucun amalgame entre l'histoire de Marie et ce dont je parle, j'élargissais simplement le débat à un phénomène de société que vous rabaissez à quelque chose de sordide, un jugement de valeur qui n'engage que vous. vous n'apprécieriez pas qu'on vous dise que votre histoire est sordide, alors ne jugez pas celle des autres sordide.

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    3. Vous battez pas les filles!

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  6. Le paragraphe où se situe la phrase qui donne son titre à ta note donne un nouvelle dimension majeure au récit ; certes, elle avait été annoncée par quelques allusions mais on entre dans le dur. Est-ce que cette nouvelle dimension va être développée dans ce feuilleton ou dans un autre ?

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  7. Le chemin est long vers la conscience et vers la liberté. Je ne suis pas sûre d'être au bout! Le feuilleton continu... Ceci est un blog, heu... un burp! :)

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  8. je vois simplement une belle histoire, une fusion parfaite et totale entre 2 étoiles qui se télescopent dans le ciel un soir d'été.
    les corps ont aimé, les esprits se sont évadés. la suite importe peu je crois... car elle sera plus terre à terre, moins parfaite.

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  9. Ah, quel plaisir, ce billet ! À l'intérieur, entre les lignes, comme une pochette surprise, tout le sel de la vie... Le dépaysement du voyage, les atmosphères, la convivialité simple, la chaleur - pas que climatique ! -, un bel amant. De quoi renaître, en effet. :)
    Je crois vraiment à ces rencontres qui, un jour et sans crier gare, font basculer notre vie. Pas forcément dans une histoire d'amour, davantage dans une histoire avec soi-même, même si on n'avait pas vraiment conscience de se chercher ni de vouloir donner un sens nouveau (ou tout simplement du sens...) à notre trajectoire.
    Je n'ai pas encore lu la suite, je m'y précipite !

    Merci beaucoup, Marie, pour ta spéciale dédicace. C'est bon de se dire que de petits bouts de blog peuvent donner aux lecteurs des envies d'écriture et/ou de voyages ! Puis c'est fou comme ton texte colle à ma réalité d'ici, me renvoyant en miroir une foule d'images auxquelles je ne prête plus si attention, tant elles sont intégrées au quotidien.
    "Rép Dom", Indonésie, Philippines... Aucun doute, il y a vraiment une empreinte tropicale très particulière, loin, si loin de l'Europe !

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  10. Ah, quel plaisir, ce billet ! À l'intérieur, entre les lignes, comme une pochette surprise, tout le sel de la vie... Le dépaysement du voyage, les atmosphères, la convivialité simple, la chaleur - pas que climatique ! -, un bel amant. De quoi renaître, en effet. :)
    Je crois vraiment à ces rencontres qui, un jour et sans crier gare, font basculer notre vie. Pas forcément dans une histoire d'amour, davantage dans une histoire avec soi-même, même si on n'avait pas vraiment conscience de se chercher ni de vouloir donner un sens nouveau (ou tout simplement du sens...) à notre trajectoire.
    Je n'ai pas encore lu la suite, je m'y précipite !

    Merci beaucoup, Marie, pour ta spéciale dédicace. C'est bon de se dire que de petits bouts de blog peuvent donner aux lecteurs des envies d'écriture et/ou de voyages ! Puis c'est fou comme ton texte colle à ma réalité d'ici, me renvoyant en miroir une foule d'images auxquelles je ne prête plus si attention, tant elles sont intégrées au quotidien.
    "Rép Dom", Indonésie, Philippines... Aucun doute, il y a vraiment une empreinte tropicale très particulière, loin, si loin de l'Europe !

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    1. Le voila ce commentaire volage (private joke!). Merci de l'avoir posté à nouveau, chère Chut. Je t'ai déjà répondu... Ecrire la suite et mettre l'histoire en perspective...
      Je t'embrasse fort.
      M.

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