jeudi 20 décembre 2012

Tout arrive...

Tout arrive... Après avoir passé mon temps à donner des coups de boutoir dans cette relation, dans ce mariage, après avoir tenté le diable par tous les bouts de la chandelle, après être partie tant de fois, après être revenue tant de fois, après avoir rêvé à cette liberté, à cette indépendance, tout arrive. C'est lui qui met fin à cette partie de l'histoire. Il a raison sur bien des points. Au milieu de l'émotion violente qui m'a étreint samedi soir, à l'annonce du berger à la bergère, j'ai retenu des mots, des expressions, sa parfaite détermination. Cet homme là, lent taureau qui prend longuement son élan avant de faire les choses, ce roi de la non-consommation réfléchie, ce garçon posé et pudique en tous points, mon mari en somme depuis 26 ans, mon amoureux depuis plus de 30 ans, cet homme me quitte.
C'est une décision juste. Juste pour lui et juste pour moi. Il y avait tant de non-dit entre nous, tant de silence...
En vrac il m'a dit... Que notre couple n'était plus un couple, mais une sorte de coquille vide, une relation forte, empreinte d'une profonde affection, d'estime, de respect, plus forte que bien des liens familiaux... Mais pas une relation de couple.
Nos corps ne se parlent pas lui ais-je dit. C'est joliment dit à-t-il répliqué. Comment peut-on passer des week-ends, des vacances en Sicile, des jours entiers sur le bateau à poil, se frôler, dormir ensemble et qu'il y ait comme un mur de verre entre nous?
Notre couple est mort et je ne veux pas continuer avec de simples arrangements d'emploi du temps. T'es là ce week-end ? Oui/non/peut-être/ cocher la bonne case...
Après la République Dominicaine (1), nous n'avons jamais réussi à recoller cette blessure, cette fêlure.
J'ai attendu, j'ai longtemps cru que la routine nous tuait et qu'il fallait rompre cette routine, qu'on se retrouverait...
On ne s'est jamais ou très rarement trouvé. Nos sensualités, nos sexualités ne sont pas les mêmes. Nos moments de tension érotique ont curieusement correspondu dans le passé à nos moments de crise. Plus la crise était aiguë, mieux on baisait... Quelque chose comme ça. Éclairs fugaces au milieu de mois et d'années insipides, d'années plombées par l'absence de désir.
D'où vient ce sentiment d'échec? Sans doute en partie pour lui comme pour moi d'avoir attendu aussi longtemps pour oser dire tout cela? D'où vient ce sentiment très désagréable d'être plaquée alors que je l'ai voulu si fort ce moment?
Bien sûr, il a rencontré quelqu'un et si je ne pense absolument pas qu'il  se mette à vivre avec elle demain matin, (et d'ailleurs, ça ne me regarde pas), c'est la goutte qui fabrique le précipité dans une réflexion qui remonte à plusieurs années, dans un lent mûrissement de la pensée et des sentiments.

Je t'ai trouvé si belle, je t'ai tant désiré, je t'ai tant aimé... Je ne peux plus attendre. C'est fini. Comme un tas de cendres après l'incendie. C'est froid. J'ai froid...
Il restera mon éternel regret de ne pas avoir su, de ne pas avoir pu, de ne pas avoir osé être avec lui ce que je suis pleinement. De lui avoir toujours menti sans doute.  Un peu, beaucoup, passionnément. Il me restera aussi envers lui une éternelle rancœur qu'il n'ait pas,  lui non plus, jamais fait le pas. Un éternel regret de n'avoir presque jamais partagé les jeux érotiques, le désir qui fait mouiller, le plaisir qui fait trembler... Parce que je l'ai aimé si fort et il m'a aimé si fort.
Et je l'aime d'amour encore...

Aujourd'hui, concrètement, nos situations sociales sont diamétralement opposées . Il est cadre sup quinqua, qui a le vent en poupe dans sa boîte, n'a aucune inquiétude sur la pérennité de son emploi, épanoui dans son travail, dans une certaine aisance financière.
Je suis cadre sup quinqua, dans un domaine étroit en perte de vitesse, au chômage depuis un an...

Tout ça me traverse violemment.

Peur, soulagement, sentiment de fragilité, envie de vivre ailleurs, sourire, attendrissement, souvenirs, pleurs, avenir, putain de crise...

Bon ben... C'est pas tout ça... Vous croyez qu'il faut que j'investisse dans un lifting après la fin du monde ? 

(1) La République Dominicaine : voir sur ce blog les posts "Antilles"... Ca commence ici. J'ai raconté cette histoire tout au long du mois d'avril dernier.