mercredi 26 juin 2013

Vieillir, dit-elle

Deux choses m'ont donné envie d'écrire ce post :
Le récent texte de Waid qui, dans cette "autobiographie " rapide nous avoue en filigrane avoir 45 ans et avoir succombé au bizarrement nommé Démon de Midi (now or never) et un bouquin que j'ai acheté. Le titre m'a interpellé et j'en ai lu quelques critiques élogieuses. Il est écrit par une intellectuelle du nom de Martine Boyer-Weinman.

A quel âge est-on vieille aujourd'hui ? Parmi les blogs érotiques que je lis, (il n'est qu'à voir la liste de mon blog-roll, ces blogs me conduisant à d'autres blogs en cascade), il est peu d'auteur(e)s qui aient ( ou qui avouent) plus de 40 ou 45 ans... Peut-être parce que au-delà, il y a une certaine indécence encore -surtout pour les femmes- à parler galipettes ouvertement ? Ceux qui suivent ce blog (ou qui opéreront un rapide retour en arrière fin 2011 et 2012) savent que j'ai 50 berges bien tassées. Que j'ai eu (que j'ai toujours) quelques emmerdements, ceux de mon âge, entre autres la perte d'un boulot et l'immense difficulté qu'il y a pour moi à en retrouver un "à l'âge que j'ai". Que ma fille a 20 ans et que je la regarde s'épanouir et devenir une femme à son tour. Que beaucoup de choses me traversent, me heurtent souvent, me révoltent comme quand j'avais 20 ans. Que j'ai un passé déjà long, des souvenirs vivants des années 70 (who remembers T Rex and Marc Bolan, Garry Glitter, Venus...?). Et aussi que je baise (et que donc, j'ai et je suscite encore le désir...) 

Dans son livre assez passionnant, quoique parfois dans un style un peu intello-ampoulé, Martine Boyer-Weinman écrit: "Une des premières après Colette, Beauvoir a porté un regard littéraire sur cette ligne d’ombre, ce vertige de la cinquantaine qui renvoie les femmes à leur généalogie et les confronte à la question de la perte de la capacité de séduction, sinon du désir d’être désirée."
"Qu'est-ce qu'une femme mûre aujourd'hui? [...]C'est le début de la confusion, ou de la migration des âges en tous cas, que rien n'arrêtera plus jusqu'au terme du cycle de la vie : "jeune femme", plus très jeune, encore jeune mère, "célibattante" en bout de course sur le premier marché du mariage, divorcée impétrante sur le second, "vieille maîtresse" ou épouse délaissée, vous êtes devenues littérairement, cinématographiquement, sociologiquement et économiquement si désirables!Maman ou putain ? MILF ou cougar ? Réjouissez-vous Madame, l'offre est encore vaste, le théâtre de la vie vous ouvre grand son répertoire. Dix ans à peine suffiront à jouer tous les rôles, Dona Elvire ou Dona Prouhéze, Phèdre ou Andromaque, Ysé ou Médée, dans l'ordre ou dans le désordre. Réjouissez-vous mais... Ne lâchez pas la bride! En un siècle et demi, vous avez gagné 15 courtes années, voire vingt sur l'entrée en maturité..."
J'ai lu la plupart des livres de Beauvoir et Colette est un de mes auteurs de chevet. Annie Ernaux aussi.  Je comprends mieux aujourd'hui "La force de l'âge" et "Gigi"...  Et oui, j'avoue que je me la pose cette question du vieillissement... De la séduction. Du jeunisme. De la mode veule des "cougars" aux ravages du botox...
Quand vais-je à mon tour devenir invisible ? Bientôt ? Comment vais-je négocier le virage ? Ne suis-je pas déjà en train ?
La plupart des blogs masculins que je suis font état d'hommes de 40 ans (bien tassés parfois) qui cherchent des femmes encore "jeunes", entre 30 et 40 ans. C'est pas grave, hein, chers amis bloggeurs, n'en prenez pas ombrage, je vous lis avec plaisir, agacement parfois, sourire souvent, mais enfin, je le constate. Mes bloggeuses féminines, libertines, libres, libérées pourrait-on dire, sont en général plus (beaucoup plus) jeunes que moi, et ne se posent jamais la question. Leurs maris, leurs hommes, leurs amants, elles les aiment et c'est tout. Il en est même (Emma) qui avouent sans fard leur amour  pour un homme beaucoup plus âgé. L'inverse n'est jamais vrai dans ma bloggosphère.
(Petit insert qui a à voir, ou pas : par contre, les filles, certaines d'entre vous (R, Dita,  par exemple, mes p'tites cailles) sont très travaillées par leurs hormones, leurs cycles, se sentent up ou down sexuellement en fonction de leur cycle. Bon. Ben, j'en ai plus moi de cycles... Je suis ménopausée. Si si. Mais c'est pas grave, je vous assure. Tout va bien.)
Je reprends le fil... Cette anthropologie là est aussi une des raisons pour lesquelles j'ai arrêté de danser le tango. Car voyez-vous, je suis une fan du tango. Je suis même allé à Buenos Aires il y a trois ans pour un voyage initiatique. Et j'écrivais déjà dans mon "Journal de Buenos Aires"  (écrit au jour le jour et que je n'ai jamais publié sur ce blog ou ailleurs) au sortir d'une milonga ratée :
"Et c’est vraiment un clivage d’âge… Beaucoup plus pour les femmes que pour les hommes comme d’habitude, car un type de la cinquantaine, plutôt vilain, gros, mais manifestement excellent danseur a parcouru la piste avec brio avec une délicieuse allumette souple de 25 ans dans les bras… La piste se peuple petit à petit. Je repère un type qui ne doit pas avoir 30 ans, maigre, creux, qui ressemble à un jeune Woody Allen. Il danse bien, très ouvert, mais a une vilaine posture, le dos vouté… Ceci dit, ils ont l’air de bien se marrer avec sa partenaire ! La meilleure des danseuses d’un certain âge ne pourra JAMAIS tirer son épingle du jeu dans ce genre d’endroit… Je ne sais pas quand une femme doit arrêter le tango, mais sans doute beaucoup  plus tôt qu’un homme. C’est décidément très cruel, le tango, très dévastateur. Il faut un égo et une estime de soi très solide quand on est une femme encore assez baisable (soyons clair!!!), qui danse bien  et qu’on sort d’une milonga sans avoir été invitée une seule fois….  Car bien sûr, je n’ai pas été invitée…" 
Et bien, voila. J'y suis. J'arrête le tango. J'en ai déjà marre d'être invisible. 
Ceci n'est pourtant pas un billet amer ou triste, ou défaitiste. En fait, c'est juste une réflexion que je me fais, à l'aune de mes lectures et de ce que je vis. Je pars la semaine prochaine en vraies vacances avec mon amoureux (qui a 56 ans). On va bien  merci! Je ne lui ai jamais rien caché, et à 50 ans "tassés", les réveils sont parfois difficiles! :) mais on aime bien faire l'amour le matin, tout chiffonnés comme tout le monde... Surtout si on baisé la veille. Ca met en train!