jeudi 20 décembre 2012

Tout arrive...

Tout arrive... Après avoir passé mon temps à donner des coups de boutoir dans cette relation, dans ce mariage, après avoir tenté le diable par tous les bouts de la chandelle, après être partie tant de fois, après être revenue tant de fois, après avoir rêvé à cette liberté, à cette indépendance, tout arrive. C'est lui qui met fin à cette partie de l'histoire. Il a raison sur bien des points. Au milieu de l'émotion violente qui m'a étreint samedi soir, à l'annonce du berger à la bergère, j'ai retenu des mots, des expressions, sa parfaite détermination. Cet homme là, lent taureau qui prend longuement son élan avant de faire les choses, ce roi de la non-consommation réfléchie, ce garçon posé et pudique en tous points, mon mari en somme depuis 26 ans, mon amoureux depuis plus de 30 ans, cet homme me quitte.
C'est une décision juste. Juste pour lui et juste pour moi. Il y avait tant de non-dit entre nous, tant de silence...
En vrac il m'a dit... Que notre couple n'était plus un couple, mais une sorte de coquille vide, une relation forte, empreinte d'une profonde affection, d'estime, de respect, plus forte que bien des liens familiaux... Mais pas une relation de couple.
Nos corps ne se parlent pas lui ais-je dit. C'est joliment dit à-t-il répliqué. Comment peut-on passer des week-ends, des vacances en Sicile, des jours entiers sur le bateau à poil, se frôler, dormir ensemble et qu'il y ait comme un mur de verre entre nous?
Notre couple est mort et je ne veux pas continuer avec de simples arrangements d'emploi du temps. T'es là ce week-end ? Oui/non/peut-être/ cocher la bonne case...
Après la République Dominicaine (1), nous n'avons jamais réussi à recoller cette blessure, cette fêlure.
J'ai attendu, j'ai longtemps cru que la routine nous tuait et qu'il fallait rompre cette routine, qu'on se retrouverait...
On ne s'est jamais ou très rarement trouvé. Nos sensualités, nos sexualités ne sont pas les mêmes. Nos moments de tension érotique ont curieusement correspondu dans le passé à nos moments de crise. Plus la crise était aiguë, mieux on baisait... Quelque chose comme ça. Éclairs fugaces au milieu de mois et d'années insipides, d'années plombées par l'absence de désir.
D'où vient ce sentiment d'échec? Sans doute en partie pour lui comme pour moi d'avoir attendu aussi longtemps pour oser dire tout cela? D'où vient ce sentiment très désagréable d'être plaquée alors que je l'ai voulu si fort ce moment?
Bien sûr, il a rencontré quelqu'un et si je ne pense absolument pas qu'il  se mette à vivre avec elle demain matin, (et d'ailleurs, ça ne me regarde pas), c'est la goutte qui fabrique le précipité dans une réflexion qui remonte à plusieurs années, dans un lent mûrissement de la pensée et des sentiments.

Je t'ai trouvé si belle, je t'ai tant désiré, je t'ai tant aimé... Je ne peux plus attendre. C'est fini. Comme un tas de cendres après l'incendie. C'est froid. J'ai froid...
Il restera mon éternel regret de ne pas avoir su, de ne pas avoir pu, de ne pas avoir osé être avec lui ce que je suis pleinement. De lui avoir toujours menti sans doute.  Un peu, beaucoup, passionnément. Il me restera aussi envers lui une éternelle rancœur qu'il n'ait pas,  lui non plus, jamais fait le pas. Un éternel regret de n'avoir presque jamais partagé les jeux érotiques, le désir qui fait mouiller, le plaisir qui fait trembler... Parce que je l'ai aimé si fort et il m'a aimé si fort.
Et je l'aime d'amour encore...

Aujourd'hui, concrètement, nos situations sociales sont diamétralement opposées . Il est cadre sup quinqua, qui a le vent en poupe dans sa boîte, n'a aucune inquiétude sur la pérennité de son emploi, épanoui dans son travail, dans une certaine aisance financière.
Je suis cadre sup quinqua, dans un domaine étroit en perte de vitesse, au chômage depuis un an...

Tout ça me traverse violemment.

Peur, soulagement, sentiment de fragilité, envie de vivre ailleurs, sourire, attendrissement, souvenirs, pleurs, avenir, putain de crise...

Bon ben... C'est pas tout ça... Vous croyez qu'il faut que j'investisse dans un lifting après la fin du monde ? 

(1) La République Dominicaine : voir sur ce blog les posts "Antilles"... Ca commence ici. J'ai raconté cette histoire tout au long du mois d'avril dernier.

lundi 26 novembre 2012

Autoroute

Il est 1 heure du matin dans la nuit de samedi à dimanche. Nous rentrons avec M (c'est lui)  d'une soirée particulière.
Il est très beau cette nuit, tout de noir vêtu, l'élégance de sa veste et de son jean ajusté... Je suis en robe de vinyle avec des talons très hauts. L'atmosphère est électrique. Nous venons d'être les témoins attentifs de scènes crues sinon nues, de fouets qui claquent, de femmes hautaines, joueuses, éperdues, jouisseuses, d'hommes silencieux, sombres ou humiliés, marqués...  Prisonniers volontaires, libres et entravés... Les deux côtés du manche... Nous n'avons pas eu envie de partager nos jeux. Nous étions dedans et nous étions dehors. 
Nous roulons, d'abord silencieux, puis petit à petit nous parlons de ce que nous venons de voir. Nous roulons dans une petite bulle chaude où John Lee Hooker pousse sa longue plainte de chat de gouttière. A nouveau le silence songeur et complice entre nous.
"Déshabille toi". Regard interloqué. "Allez, déshabille toi. Déshabille toi entièrement". Le ton est sans réplique. Lentement, je retire les bottes cavalière que j'avais enfilé avant de quitter la soirée, je défais ma ceinture de sécurité d'un geste prudent. Je me tortille sur mon siège pour enlever mes bas, et puis pour faire passer pardessus ma tête cette  robe noire trop étroite qui me va à ravir mais qui me colle au corps...
Voila. Je suis nue sur le siège passager de sa voiture. Il fait nuit. Nous doublons quelques voitures. Il allume le plafonnier. "Je veux qu'on te voit".  Je suis pétrifiée, mais je sens mon ventre qui papillonne, je sens l'humidité entre mes cuisses, je sens mes seins qui se dressent, ma peau qui frissonne. Il ne fait pas froid pourtant dans l'habitacle. Sa main droite lâche le volant, se promène sur mes seins, attrape mon téton, le tord légèrement. "Ecarte les cuisses". Lentement, j'ouvre mon compas, je ne respire plus. Ses doigts plongent en moi, ressortent, y reviennent. Il pince fort mon clitoris entre son pouce et son index. L'éclair électrique remonte le long de mon ventre. Je recule sur le siège. Il me lâche. "Branle-toi". On double une camionnette plus haute que nous. Le chauffeur nous fait des appels de phare. Je me sens vulnérable, totalement sans défense. "Et si je m'arrêtais sur un parking?". "Non, s'il-te-plait, non". "Branle toi". Alors ma main descend et joue comme j'ai appris à le faire, comme je le fais, comme j'aime... Doucement, je caresse mes lèvres, mes doigts courent, savent... je serre les cuisses et je les ouvre tour à tour. J'ondule et mon sexe se projette en avant. Je coule. Il me pince très fort le sein. Je crie. Ca monte, ça monte le long de moi. Ma nuque contre l'appui-tête, mon corps presque à l'horizontale. La voiture file. Mes yeux regarde le ruban noir sans le voir, je m'enfonce dans la nuit. Je suis impudique. Je vois mes cuisses blanches, tendues, qui s'agitent. Ma main se fait plus pressante. J'allonge le bras et je sens son sexe qui bande fort, contraint dans la raideur de son pantalon. "Jouis. Je veux que tu jouisses". Ma main, mes mains, mon ventre, mes fesses, je me sens toute, là, ici, tout de suite. Mon sexe se contracte... Je miaule. Je jouis.
Je suis resté nue dans la voiture, ma tête sur son épaule, enfant confiante et reconnaissante... Il pleuvait quand nous sommes arrivés et j'ai couru frissonnante sur le parking jusqu'à la porte de la maison, en criant doucement, en protestant,  en riant... Et j'ai même pas attrapé la crève! 

Depuis des semaines, nos retrouvailles étaient empreintes de préoccupations diverses. Son divorce très difficile, mes questions existentielles liées au travail... Amants devenus amis, compagnons de route en quelque sorte... Une libido... automnale, une sorte de fatigue morale nous liait et nous déliait...Il semble bien que cette autoroute nous ait fait le plus grand bien...Cheers my dear!

samedi 17 novembre 2012

Instantanés urbains

Parvis de la gare de Lyon. Il pleut. Il fait froid. De drôles d'humains, noirs de pied en cap, casqués et arnachés attendent. Les gardes du corps de Dark Vador ? Des motos taxis, visières relevées et micros devant la bouche qui hèlent le client. La foule est dense, va et vient en mouvements désordonnés. Sous la verrière, je fume une cigarette. Un homme s'approche, une sébille à la main. Il est jeune encore, grand, costaud, roux aux yeux bleus, un visage rond dont il reste une enfance. Il est étranger. Polonais ? Roumain ? De l'Est en tous les cas. Je lui refuse une cigarette d'un mouvement de la tête. Il s'éloigne. Il claudique. Je le regarde mieux. Sa jambe est coupée au niveau du genou. Son moignon repose dans un nid de chiffons sales sur une jambe de bois. Une jambe de bois comme je n'en ai jamais vu. Comme j'en ai lu dans Oliver Twist. Une vraie jambe de bois de Cour des Miracles. Il a une béquille, une casquette, il mendie des cigarettes. Je m'approche, je lui donne mon paquet, je m'enfuis. Chienne de vie.

Dans le métro. Deux hommes, Indiens ? Pakistanais ? Tamouls ?, parlent dans cette langue qui ressemble au bruit de l'eau qui ruisselle sur des petits cailloux. Le premier dit quelque chose et dans le langage universel de qui n'a pas compris, le second lui lance une interjection qui veut dire "Pardon?". Le premier répète exactement la même séquence de sons. Je n'ai pas mieux compris.

Dans le métro. Je suis assise. En face de moi, une femme sans âge. Elle a un anorak vert sapin, un peu petit, fermé à double tour malgré la chaleur. Elle a un collant opaque noir, un peu petit, qui lui barre le haut des cuisses. Elle a des bottes épaisses et fatiguées. Elle n'a pas de jupe. Elle a un bonnet. Un sac en plastique par terre dont elle sort un paquet de madeleines. Elle l'ouvre avec grand soin et se met à manger les gâteaux un par un avec méthode. Elle prend la madeleine d'une main, de l'autre, elle en coupe un morceau qu'elle met dans sa bouche. Elle mâche. Elle avale. Elle met le reste du gâteau dans sa bouche. Elle mâche. Elle avale. Elle reprend un gâteau. C'est lent et hypnotique. Ce pourrait être dans un spectacle de Pipo Delbono ou de Castellucci. Un film des frères Dardenne. Esthétique de la misère. C'est juste dans le métro. Je descend de la rame en me demandant vaguement si elle va pleurer quand le paquet sera vide.

Gare de Lyon. Dans le nouveau hall, dit hall 2, rénové de frais. C'est un bel endroit. Je fais la queue pour payer mon journal. Devant moi, une grande femme. Elle est blond platine et a les cheveux très courts, très bien coupés. Elle a des anneaux, plusieurs sur chaque lobe en remontant le long de la courbe de l'oreille. Elle est vêtu de cuir noir, souple et coûteux des pieds à la tête. Elle a de hautes bottines aux talons vertigineux, un pantalon à découpes cavalières, une veste courte, cintrée à la taille. Elle a les mains manucurées et baguées, les ongles rouges. Ses bagages, noirs aussi, fleurent la maison chic.  Je lève les yeux. Je sais alors. Madame, si tu veux m'attacher, je veux bien...

mardi 13 novembre 2012

Virginie Despentes.

Je recopie sur ce blog in-extenso le texte écrit par Virginie Despentes. Parce que je trouve qu'il est formidable.  Il est sur le site du magazine "Têtu" et a déjà été lu par des centaines de milliers de personnes. 



Invité vendredi dernier sur le plateau du Grand Journal de Canal+, Lionel Jospin est revenu sur ses réserves sur l'ouverture du mariage aux couples homos. «C'est la position de mon parti, et donc je la respecte, a commenté l'ancien Premier ministre. Ce n'était pas la mienne au départ. Ce que je pense c'est que l'idée fondamentale doit rester, pour le mariage, pour les couples et pour la vie en général, que l'humanité est structurée entre hommes et femmes.» L'écrivaine Virginie Despentes a choisi de lui répondre dans une tribune que publie TÊTU.com.

«Alors, cette semaine, c'est Lionel Jospin qui s'y colle. Il trouve qu'on n'entend pas assez de conneries comme ça, sur le mariage gay, il y va de son solo perso. Tranquille, hein, c'est sans homophobie. Il n'a pas dit qu'on avait le droit de casser du pédé ou de pourrir la vie des bébés gouines au lycée, non, juste, il tenait à signaler: attention, avec le mariage, on pousse mémé dans les orties. «L'humanité est structurée sur le rapport hommes femmes.» Juste, sans homophobie: les gouines et les pédés ne font pas vraiment partie de l'humanité. Ils ne sont pourtant pas stériles - mais comme ils ne vivent pas en couple, ce n'est pas de l'humain pur jus, pas de l'humain-humain comme l'est monsieur Jospin. Ce n'est pas super délicat pour les célibataires et les gens sans enfants, son truc, mais Jospin est comme ça: il a une idée forte de ce qu'est l'humanité, et l'humanité, c'est les femmes et les hommes qui vivent ensemble, copulent et produisent des enfants pour la patrie. C'est dommage pour les femmes, vu que, in fine, cette humanité là, c'est l'histoire de comment elles en ont pris plein la gueule pendant des millénaires, mais c'est l'humanité, que veux tu, on la changera pas. Et il faut bien l'admettre: il y a d'une part la grande humanité, qui peut prétendre aux institutions, et de l'autre, une caste moins noble, moins humaine. Celle qui devrait s'estimer heureuse de ne pas être persécutée, qu'elle ne vienne pas, en plus, réclamer des droits à l'état. Mais c'est dit sans animosité, hein, sans homophobie, juste: l'humanité, certains d'entre nous en font moins partie que d'autre. Proust, Genet, Leduc, Wittig, au hasard: moins humains que des hétéros. Donc, selon Lionel Jospin, il faut que je comprenne, et que je n'aille pas mal le prendre: depuis que je ne suce plus de bite, je compte moins. Je ne devrais plus réclamer les mêmes droits. C'est quasiment une question de bon sens.

Mais c'est dit sans homophobie, c'est ça qui est bien. Comme tous les hétéros qui ont quelque chose à dire contre le mariage gay. C'est davantage le bon sens que l'homophobie qui les pousse à s'exprimer. Dans ce débat, personne n'est homophobe. Ils sont juste contre l'égalité des droits. Et dans la bouche de Jospin on comprend bien: non seulement contre l'égalité des droits entre homos et hétéros, mais aussi contre l'égalité des droits entre femmes et hommes. Parce qu'on est bien d'accord que tant qu'on restera cramponnés à ces catégories là, on ne sera jamais égaux.

Je m'étais déjà dit que je ne me voyais pas «femme» comme le sont les «femmes» qui couchent gratos avec des mecs comme lui, mais jusqu'à cette déclaration, je n'avais pas encore pensé à ne plus me définir comme faisant partie de l'humanité. Ça va me prendre un moment avant de m'y faire. C'est parce que je suis devenue lesbienne trop tard, probablement. Je ne suis pas encore habituée à ce qu'on me remette à ma place toutes les cinq minutes. Ma nouvelle place, celle des tolérés.

Au départ, cette histoire de mariage, j'en avais moitié rien à faire - mais à force de les entendre, tous, sans homophobie, nous rappeler qu'on ne vaut pas ce que vaut un hétéro, ça commence à m'intéresser.

Je ne sais pas ce que Lionel Jospin entend par l'humanité. Il n'y a pas si longtemps, une femme qui tombait enceinte hors mariage était une paria. Si elle tombait enceinte d'un homme marié à une autre, au nom de la dignité humaine on lui faisait vivre l'enfer sur terre. On pouvait même envisager de la brûler comme sorcière. On en a fait monter sur le bûcher pour moins que ça. On pouvait la chasser du village à coups de pierre. L'enfant était un batard, un moins que rien. Bon, quelques décennies plus tard, on ne trouve plus rien à y redire. Est-on devenus moins humains pour autant, selon Lionel Jospin? L'humanité y a t-elle perdu tant que ça? A quel moment de l'évolution doit on bloquer le curseur de la tolérance?

Jospin, comme beaucoup d'opposants au mariage gay, est un homme divorcé. Comme Copé, Le Pen, Sarkozy, Dati et tuti quanti. Cet arrangement avec le serment du mariage fait partie des évolutions heureuses. Les enfants de divorcés se fadent des beaux parents par pelletées, alors chez eux ce n'est plus un papa et une maman, c'est tout de suite la collectivité. On sait que les hétérosexuels divorcent plus facilement qu'ils ne changent de voiture. On sait que l'adultère est un sport courant (qu'on lise sur internet les commentaires d'hétéros après la démission de Petraeus pour avoir trompé sa femme et on comprendra l'importance de la monogamie en hétérosexualité - ils n'y croient pas une seule seconde, on trompe comme on respire, et on trouve inadmissible que qui que ce soit s'en mêle) et on sait d'expérience qu'ils ne pensent pas que faire des enfants hors mariage soit un problème. Ils peuvent même faire des enfants hors mariage, tout en étant mariés, et tout le monde trouve ça formidable. Très bien. Moi je suis pour tout ce qui est punk rock, alors cette idée d'une immense partouze à l'amiable, franchement, je trouve ça super seyant. Mais pourquoi tant de souplesse morale quand ce sont les hétéros qui se torchent le cul avec le serment du mariage, et cette rigidité indignée quand il s'agit des homosexuels? On salirait l'institution? On la dévoierait? Mais les gars, même en y mettant tout le destroy du monde, on ne la dévoiera jamais d'avantage que ce que vous avez déjà fait, c'est perdu d'avance... dans l'état où on le trouve, le mariage, ce qui est exceptionnel c'est qu'on accepte de s'en servir. Le Vatican brandit la polygamie - comme quoi les gouines et les bougnoules, un seul sac fera bien l'affaire, mais c'est ni raciste ni homophobe, soyons subtils, n'empêche qu'on sait que les filles voilées non plus ne font pas partie de l'humanité telle que la conçoit cette gauche là, mais passons - ne vous en faites pas pour la polygamie: vous y êtes déjà. Quand un bonhomme paye trois pensions alimentaires, c'est quoi, sinon une forme de polygamie? Que les cathos s'occupent d'excommunier tous ceux qui ne respectent pas l'institution, qu'ils s'occupent des comportements des mariés à l'église, ça les occupera tellement d'y mettre un peu d'ordre qu'ils n'auront plus de temps à perdre avec des couples qui demandent le mariage devant le maire.

Et c'est pareil, pour les enfants, ne vous en faites pas pour ça: on ne pourra pas se comporter plus vilainement que vous ne le faites. Etre des parents plus sordides, plus inattentifs, plus égoïstes, plus j'm'enfoutistes, plus névrosés et toxiques - impossible. Tranquillisez vous avec tout ça. Le pire, vous vous en occupez déjà très bien.

Tout ça, sans compter que l'humanité en subit d'autres, des outrages, autrement plus graves, en ce moment, les gouines et les pédés n'y sont pour rien, je trouve Lionel Jospin mal organisé dans ses priorités de crispation. Il y a, en 2012, des atteintes à la morale autrement plus brutales et difficiles à admettre que l'idée que deux femmes veulent se marier entre elles. Qu'est-ce que ça peut faire? Je sais, je comprends, ça gêne l'oppresseur quand deux chiennes oublient le collier, ça gêne pour les maintenir sous le joug de l'hétérosexualité, c'est ennuyeux, on les tient moins bien. Parfois la victime n'a pas envie de se laisser faire en remerciant son bourreau, je pensais qu'une formation socialiste permettrait de le comprendre. Mais non, certaines formations socialistes amènent à diviser les êtres humains en deux catégories: les vrais humains, et ceux qui devraient se cacher et se taire.

J'ai l'impression qu'en tombant amoureuse d'une fille (qui, de toute façon, refuse de se reconnaître en tant que femme, mais je vais laisser ça de côté pour ne pas faire dérailler la machine à trier les humains-moins humains de Lionel Jospin) j'ai perdu une moitié de ma citoyenneté. J'ai l'impression d'être punie. Et je ne vois pas comment le comprendre autrement. Je suis punie de ne plus être une hétérote, humaine à cent pour cent. Pendant trente cinq ans, j'avais les pleins droits, maintenant je dois me contenter d'une moitié de droits. Ça me chagrine que l'Etat mette autant de temps à faire savoir à Lionel Jospin et ses amis catholiques qu'ils peuvent le penser, mais que la loi n'a pas à être de leur côté.

Si demain on m'annonce que j'ai une tumeur au cerveau et qu'en six mois ce sera plié, moi je ne dispose d'aucun contrat facile à signer avec la personne avec qui je vis depuis huit ans pour m'assurer que tout ce qui est chez nous sera à elle. Si c'est la mort qui nous sépare, tout ce qui m'appartient lui appartient, à elle. Si j'étais hétéro ce serait réglé en cinq minutes: un tour à la mairie et tout ce qui est à moi est à elle. Et vice versa. Mais je suis gouine. Donc, selon Lionel Jospin, c'est normal que ma succession soit difficile à établir. Qu'on puisse la contester. Ou qu'elle doive payer soixante pour cent d'impôts pour y toucher. Une petite taxe non homophobe, mais qu'on est les seuls à devoir payer alors qu'on vit en couple. Que n'importe qui de ma famille puisse contester son droit à gérer ce que je laisse, c'est normal, c'est le prix à payer pour la non-hétérosexualité. La personne avec qui je vis depuis huit ans est la seule personne qui sache ce que j'ai dans mon ordinateur et ce que je voudrais en faire. J'aimerais, s'il m'arrivait quelque chose, savoir qu'elle sera la personne qui gèrera ce que je laisse. Comme le font les hétéros. Monsieur Jospin, comme les autres hétéros, si demain le démon de minuit le saisit et lui retourne les sangs, peut s'assurer que n'importe quelle petite hétéro touchera sa part de l'héritage. Je veux avoir le même droit. Je veux les mêmes droits que lui et ses hétérotes, je veux exactement les mêmes. Je paye les mêmes impôts qu'un humain hétéro, j'ai les mêmes devoirs, je veux les mêmes droits - je me contre tape de savoir si Lionel Jospin et ses collègues non homophobes mais quand même conscients que la pédalerie doit avoir un prix social, m'incluent ou pas dans leur conception de l'humanité, je veux que l'Etat lui fasse savoir que je suis une humaine, au même titre que les autres. Même sans bite dans le cul. Même si je ne fournis pas de gamin à mon pays.

La question de l'héritage est centrale dans l'institution du mariage. Les sourds, les aveugles et les mal formés pendant longtemps n'ont pas pu hériter. Ils n'étaient pas assez humains. Me paraît heureux qu'on en ait fini avec ça. Les femmes non plus n'héritaient pas. Elles n'avaient pas d'âme. Leurs organes reproducteurs les empêchaient de s'occuper des affaires de la cité. Encore des Jospin dans la salle, à l'époque ils s'appelaient Proudhon. J'ai envie de vivre dans un pays où on ne laisse pas les Jospin faire le tri de qui accède à l'humanité et qui doit rester dans la honte.

Je ne vois aucun autre mot qu'homophobie pour décrire ce que je ressens d'hostilité à mon endroit, depuis quelques mois qu'a commencé ce débat. J'ai grandi hétéro, en trouvant normal d'avoir les mêmes droits que tout le monde. Je vieillis gouine, et je n'aime pas la sensation de ces vieux velus penchés sur mon cas et me déclarant «déviante». J'aimais bien pouvoir me marier et ne pas le faire. Personne n'a à scruter à la loupe avec qui je dors avec qui je vis. Je n'ai pas à me sentir punie parce que j'échappe à l'hétérosexualité.

Moi je vous fous la paix, tous, avec vos mariages pourris. Avec vos gamins qui ne fêteront plus jamais Noël en famille, avec toute la famille, parce qu'elle est pétée en deux, en quatre, en dix. Arrangez vous avec votre putain d'hétérosexualité comme ça vous chante, trouvez des connes pour vous sucer la pine en disant que c'est génial de le faire gratos avant de vous faire cracher au bassinet en pensions compensatoires. Vivez vos vies de merde comme vous l'entendez, et donnez moi les droits de vivre la mienne, comme je l'entends, avec les mêmes devoirs et les mêmes compensations que vous.

Et de la même façon, pitié, arrêtez les âneries des psys sur les enfants adoptés qui doivent pouvoir s'imaginer que leurs deux parents les ont conçus ensemble. Pour les enfants adoptés par un parent seul, c'est ignoble de vous entendre déblatérer. Mais surtout, arrêtez de croire qu'un petit Coréen ou un petit Haïtien regarde ses deux parents caucasiens en imaginant qu'il est sorti de leurs ventres. Il est adopté, ça se passe bien ou ça se passe mal mais il sait très bien qu'il n'est pas l'enfant de ce couple. Arrêtez de nous bassiner avec le modèle père et mère quand on sait que la plupart des enfants grandissent autrement, et que ça a toujours été comme ça. Quand les dirigeants déclarent une guerre, ils se foutent de savoir qu'ils préparent une génération d'orphelins de pères. Arrêtez de vous raconter des histoires comme quoi l'hétérosexualité à l'occidentale est la seule façon de vivre ensemble, que c'est la seule façon de faire partie de l'humanité. Vous grimpez sur le dos des gouines et des pédés pour chanter vos louanges. Il n'y a pas de quoi, et on n'est pas là pour ça. Vos vies dans l'ensemble sont plutôt merdiques, vos vies amoureuses sont plutôt calamiteuses, arrêtez de croire que ça ne se voit pas. Laissez les gouines et les pédés gérer leurs vies comme ils l'entendent. Personne n'a envie de prendre modèle sur vous. Occupez-vous plutôt de construire plus d'abris pour les sdf que de prisons, ça, ça changera la vie de tout le monde. Dormir sur un carton et ne pas savoir où aller pisser n'est pas un choix de vie, c'est une terreur politique, je m'étonne de ce que le mariage vous obnubile autant, que ce soit chez Jospin ou au Vatican, alors que la misère vous paraît à ce point supportable.»
Photo: DR.

samedi 20 octobre 2012

Fifty shades of grey, ou : On n'est pas sortis de l'auberge!

A l'aune de trois heures de TGV back from Paris avant-hier, l'inévitable Relay propose l'inévitable bouquin qui fait la une de toute la presse. Comme je lis aussi sur le web les journaux anglo-saxons, j'avais eu vent du phénomène il y a quelques mois.
Coup de poker. 17 Euros pour voir... 40 millions d'exemplaires vendus (et moi, et moi, et moi...).
J'ai vu, j'ai lu... Vraiment pas de quoi fouetter une chatte, fut-elle en chaleur...
Une écriture banale, des poncifs, un environnement américain fantasmé, c'est Pretty Woman en moins drôle, mais en nettement plus chaud. Il est immensément riche, incroyablement jeune et beau et ténébreux, elle est étudiante, "nature" mais très très belle sous ses grands pulls et ses jeans, vierge (oui, vous avez bien lu, vierge)... Il la déflore merveilleusement, il est son dieu, son guide sur les routes obscures du désir (soupiiiir!) et du plaisir (soupiiiir!). Il vient la chercher en hélicoptère, lui offre une édition originale de Tess of the d'Ubervilles et un cabriolet (ben voyons!). Il l'attache avec sa cravate (de soie), lui donne une fessée, quelques coups de ceinture, elle jouiiiiiit. Elle le déteste, elle l'aime, il furent heureux et eurent beaucoup d'enfants... Ca fait 1500 pages en trilogie. J'oubliais... hétérosexualité monogame jalousement préservée. Ouf! Même si Mit Romney devient président étatsunien, l'essentiel est sauf! Youpee yaeh!
Ce qui m'interroge, c'est le succès de ces bouquins.
Les éditions Harlequin vendent silencieusement des centaines de milliers de livres et leur collection "Spicy" marche très bien...
Et puis avant, quand j'étais gamine, il y avait les romans photos.
C'est exactement la même chose.
C'est juste un poil plus cru, mais c'est l'époque qui veut ça. Les scènes érotiques valent ce qu'elles valent. Elle mouille, il bande quoi. Et c'est "épicé" des mystères du BDSM.  What else ? Ce qui est un peu fatigant, c'est qu'il l'appelle "bébé" à tout bout de champ... Traduction inane du "baby" courant outre-Atlantique. Mais je ne suis pas sûre que "mon chou" eut mieux fait l'affaire. Ce qui est mal écrit ne peut être bien traduit...
Les femmes sont toujours enfermées dans des clichés presque aussi vieillots que les pubs de l'excellent "Les pubs que vous ne verrez plus jamais" d'Anne Pastor ( bonjour Quadra !). Belles, intelligentes certes, mais pantelantes et dépendantes avant tout de L'Homme, seul détenteur de leur désir et de leur plaisir.
Sidérant succès de la médiocrité. Remarquez, Dan Brown m'est littéralement tombé des mains!
Bien sûr, je suis très jalouse de l'auteure de ce navrant navet car je me dis que j'aimerais bien, au prix d'un effort minime (écrire 1500 pages de descriptions tartignoles et d'humour de collégienne), gagner autant de fric. Je n'oserais pas écrire ça. Je n'y penserais même pas... Peut-être parce que j'aime trop Colette, les deux Marguerite, Georges et tant d'autres... Je ne serais jamais business woman. Encore raté!
A lire, chez Anne Bert, et aussi chez Jean-Louis Michel... Et sur le site de la RTBF

PS : merci à mes derniers commentateurs (et trices) sur mon dernier post. J'ai précisément un peu de mal à écrire ces temps. Je vous lis tous les jours, mais en silence...
PPS : J'aime vraiment les hommes hein! Les femmes aussi du reste... même celles qui lisent des romans photos...
PPPS : Et j'adooooore être attachée et pantelante...


jeudi 27 septembre 2012

Sous-alimentée.

J'ai faim. J'ai très faim.

J'ai faim de sexe grave et léger.
J'ai faim de taf rémunéré.
J'ai faim de rapports vrais non monnayés.

Je sens mon corps à l'abandon.
Je sens mon esprit trop vagabond.

C'est l'automne. Je vais prendre des granions de sélénium... (les filles, j'ai suivi hein!). 

mardi 11 septembre 2012

Les filles d'aujourd'hui

J'ai une fille (oui, une seule, petite joueuse!) qui va avoir... 20 ans.
20 piges, 20  berges, 20 balais...
Et je trouve qu'elle est formidable.
Mais pas qu'elle. Je trouve que les filles de cette génération sont formidables.
Elles sont vives, curieuses, intelligentes, pas dupes, généreuses, marrantes, délurées, girlies et lucides... Et puis, elles sont belles, si belles car  même si elles ne sont pas parfaites, elles rayonnent et éclaboussent le jour.
Elles vont au cinéma, lisent et courent les festivals européens, des Vieilles Charrues à Sziget, du Boom à Marsatac. Elles vont à Berlin visiter les galeries d'art à ciel ouvert, voir le Bernin et Caravage à Rome, partagent un sandwich à plusieurs dans une chic brasserie parisienne en s'offusquant de son prix exorbitant, déambulent à Istanbul, campent entre gonzesses sur la côte portugaise et mangent des pâtes à rien, font de la récup un style de vie, se frottent à l'opéra et aux grands textes classiques, aux Inrocks et à Radio Meuh, et partent voir le monde. Sur la p'tite bande de ma nana, amies d'enfance, 8 filles toutes tatouées du même petit animal qui leur donne son nom (appelons les "les salamandres"), et qui toutes ont 20 ans cette année, l'une part un an au Mexique, l'autre en Slovénie, la troisième à New-York, la quatrième en Espagne...  La mienne partira l'an prochain au Chili... ou ailleurs. Mais elle va partir.
Son étonnante co-locataire quant à elle, tout de suite après un bac obtenu à 16 ans, est partie d'elle-même un an en Russie profonde, dans une famille, apprendre le russe qu'elle parle désormais couramment. Une petite assez stupéfiante qui vous analyse l'ère Poutine de l'intérieur avec une rare finesse...
Je suis fière d'elles toutes.
Et ne me dites pas que ce ne sont que des petites bourgeoises qui font des études aux frais de leurs parents, des filles de bobos, d'architectes, de médecins et de cadres. C'est en partie vrai (mais on s'en fout!) et c'est en partie faux. Elles ont des petits boulots, travaillent toute l'année et l'été, la plupart vivent avec beaucoup moins de 1000€ par mois tout compris, même si et heureusement, le filet de sécurité familial est toujours là...

Elles sont très pudiques et je connais mal leurs histoires d'amour. A la moindre question, je me fais gentiment traiter de fouine... Bon... J'ai appris des mois après tout le monde (après ses amies bien sûr, mais aussi après ma soeur, ma mère...) que ma petite avait vu le loup. Je sais qu'elle a été très amoureuse au printemps dernier, j'ai même croisé le garçon, je sais qu'elle a eu mal, et je sais qu'elle va bien maintenant... Je ne suis pas une mère copine et ma fille ne vit plus à la maison depuis deux ans. Elle vit sa vie et c'est très bien ainsi.

On ne peut être sûr de rien et je ne sais pas de quoi leur avenir sera fait. Je leur souhaite simplement de pouvoir le choisir. Mais il y a une chose dont je suis sûre : il va falloir que les mecs de cette génération soient drôlement à la hauteur!

jeudi 6 septembre 2012

En vrac...

Bon, alors, ok, c'est la rentrée.
Même ici, fait pas bien beau. Il a plu, c'est dire!

Après un fléchissement bien légitime dans la moiteur d'août, les affaires reprennent... 
Chacun a repris qui son cartable, qui ses charmantes habitudes... Certains font le ménage, histoire de laisser la place aux bonnes résolutions, d'autres nous rassurent sur leur santé. Il y en a qui ont fait peau neuve pendant l'été, il y en a qui ont de bien jolies humeurs. Il y en a une  qui revient apaisée et attentive... Il y en a qui se découvrent et d'autres que je découvre. Il y a  celui qui écrit si bien pour mieux se planquer et celle qui écrit si bien pour mieux se montrer (un peu).
Il y en a beaucoup d'autres... Que j'aime lire, que je ne commente pas, qui m'entraînent ailleurs aussi...
Il y a celles qui sont dans le silence, ceux dont on attend les prochaines pages, ceux qui ont disparu, celles qui se sont volatilisées. Il y a les les régulières et les épisodiques... Il y a une secrète et  puis il y en a de nouveaux et de ce coté là, c'est plutôt pas mal...
Enfin, y'a les resultats du Grand Concours de l'Eté de la Pétrolésie. Et ça, c'est cocagne!
C'est la rentrée. Faut que je mette à jour ma liste de blogs. 

Et puis demain, je le retrouve. C'est la rentrée décidément... 

jeudi 30 août 2012

Les maris, les femmes, les amants.

Et puis il y a lui, l'autre, "l'amant".

Au début, j'aurais pas donné cher de sa peau...

Amorce.
Jeu intense un soir de pluie battante. J'ai vu le loup, le renard et la belette.
Jeux pour moi inconnus.
Jeux de sexe, de cuir et de vinyle, jeux de miroir, jeux de séduction. 
Jeux de mains, jeux de vilaine. Jeu inversé. Jeux renversants. 
Juste des jeux. Juste des liens. Juste du chanvre ou du nylon. 
Liens quotidiens. Jeux de mots. Jeux d'ordres. Point d'orgue. 

Et puis, le temps... Assassin le temps ? Ou galant homme? Le temps. Un an. Deux ans. Presque trois. 
Premières fois. 
Premier week-end. Première nuit. Premiers jours. Main dans la main, nez dans le cou, balades d'amoureux... Liens quotidiens toujours. Intimité et quotidien. Rentrer dans la vie l'un de l'autre. 
J'ai résisté le plus que j'ai pu. Enfin, j'ai resisté un peu... Je me suis laissé envelopper de lanières et de caresses, de désir, de sexe torride, de sexe sombre et de sexe joyeux, de colliers et de bagues, de corsets et de bas... Rituels.

Pourtant j'aurais pas donné cher de sa peau. Au début. Et puis le temps... 

Sardine grillée. 
Ah ! C'est malin! 

PS: Tout cela est d'un convenu...

J'me fous de John Lennon

En fait, tu vois, ce soir, j'me fous de John Lennon.
Je voudrais te parler. Je voudrais te dire ce qui reste coincé dans mes yeux, dans ma gorge, dans mon ventre.
Je voudrais te dire que je t'aime et que je veux partir. Encore et encore.
Je ne veux pas te perdre et je veux m'en aller. Pas loin, pas pour toujours, pas tout le temps.

Avoir le courage. Pourquoi faut-il avoir du courage pour dire ce que l'on souhaite, ce que l'on rêve, pour dire qu'on veut vivre autrement ?
Qu'on ne voudrait garder que le beau, que le bon ? La poésie et le vin, les rires et le tango, les restos avec l'étudiante, les voyages et le bateau...
Pour dire qu'on ne fait plus l'amour, mais que ce n'est pas grave. Qu'on est passé ailleurs, parce que ça fait longtemps. Pas trop longtemps. Non pas trop longtemps... Juste l'écoulement lent et vif des jours et des nuits. Pas trop longtemps. Juste autrement.

On pourrait faire comme pour les mômes : un week-end sur deux et la moitié des vacances ?  

mercredi 29 août 2012

mardi 21 août 2012

Reprendre le chemin.

Ecouter Suzanne Vega et reprendre le chemin de l'écriture. Le chemin de la rentrée, le chemin de l'école, le chemin du travail, le chemin de la recherche de sa juste place, le chemin qui succède aux chemins de traverses, aux chemins lents et doux, lents et longs, aux minutes qui se succèdent tranquillement, aux journées qui s'écoulent sans but...
Ecouter Suzanne Vega et se dire que Tom's diner is very peaceful tonight and reminds me of old and happy times... When my girl was still a little girl.
Pas de nostalgie, juste la canicule qui annonce les premiers orages et la fin d'un été que je ne regretterai pas. Ou non ?
Ecouter Massive Attack. Love is like a sin my love... Look at her with her smile like a flame... The devil makes us sin and we like it when we're spinnin' in his grin... Je ne m'en lasse pas.


La ville est chaude et sent la pisse et la merde. Le roman de Mo Hayder sent la vase, le sang et la pourriture.
Ecouter les bruits de la ville, le scooter et la bagnole, la rumeur du tram, les cris des enfants qui jouent tard au ballon en bas, et bien se rappeler que l'hiver, on ferme les fenêtres...



mercredi 1 août 2012

Crumb

Sur cette petite plage du Var, au moment le plus dense, quand les familles débarquent en milieu d'après-midi, quand les mômes jouent en criant, quand les portables des ados mal élevés crachouillent du R&B de pacotille, je devrais être déjà partie à cette heure que je fuis, elle arrive. Impossible de la louper malgré la foule.
Elle détonne complètement au milieu de ce public policé et banal,  qui découvre des peaux blanches et roses, des complexes, un peu de cellulite et des petits bedons exhibés dans des maillots une pièce ou des bermudas trop vastes. Elle est grande et grosse. Elle est jeune encore, et son corps déborde d'un minuscule maillot de bain, petit triangle noir qui laisse voir la moitié de sa raie des fesses et contient mal ses seins monumentaux. Elle a du ventre, du cul, des cuisses, des mollets, des bras...
Elle a des cheveux longs, frisés et rouges, des ongles trop blancs de tigresse occidentale, une chaine sur sa cheville tatouée, d'autres tatouages, au creux des reins et sur l'épaule. Elle fume des Marlboro rouges. Elle n'est pas politiquement correcte. Elle enlève son soutien-gorge et découvre une poitrine gargantuesque qui tressaute quand elle marche et joue au bord de l'eau. Quand elle s'allonge, ses seins trop lourds s'étalent en masses oblongues de chaque côté de son buste. Toute sa chair exulte et nous dit Merde!

Je ne sais plus les mots qu'il emploiera, mais mon beau-frère dira le soir, au repas, qu'il l'a trouvé quasi-répugnante.

Moi, je l'ai trouvé érotique, femelle, élastique. Bandante.  Ma belle-soeur aussi...

C'est un drôle de truc la plage l'été...

jeudi 12 juillet 2012

Migrations.

Bientôt la traditionnelle migration.
Les vacances dans la maison familiale… Pas beaucoup de surprises, aucune même, mais de vieilles habitudes et des moments rituels, toujours les mêmes, avec les mêmes personnes ou presque. Les parents qui vieillissent et les enfants qui grandissent. Mon chat d'appartement retrouve ses instincts de chasseur et se prend pour un tigre à la poursuite des sauterelles dans l'herbe haute... Moi, je cours, je nage, je lis, je prends le soleil, je fais la sieste sous le figuier en observant le chemin des fourmis qui ne s'arrêtent jamais de travailler...
Ca m’a souvent pesé. Mais depuis deux ou trois ans, c'est bien de se poser dans cette familiarité, ces conversations qui se suivent et se répondent d’année en année… Sea and sun… Pour le sex, c'est un peu trop tranquille… Salades et barbecues. Douches froides au lavoir. Pas de réveil, pas de contrainte. Pas d'ordinateur, pas d'internet (quoique... avec les smartphones, c'est un peu difficile de faire semblant!). Les vacances du bulot. 
Mais avant cela, un peu de fournaise dans le chaudron d'Avignon. Entre 120 000 et 150 000 spectateurs dans le In et 550 000 dans le Off  pour les 1200 spectacles proposés cette année. Pfiouuuuu! Des palabres, des ministres, des parades et des affiches, des tracts par milliers, des salades, des grillades et des bières servies 20h sur 24, des spectacles à 10H, à 11H, à midi, à minuit, des cafés et des glaces, des festivaliers hagards, ravis, furieux, épuisés, connaisseurs, néophytes, des soldes, des voitures garées partout, un président de la République, des députés et des groupes politiques, des vieux de la vieille et des jeunes loups, des réunions, des revendications, des vieilles haines recuites, beaucoup de prétentions et de médiocrités, mais aussi de rares éblouissements artistiques...  En route! La sardine va nager et se perdre en eaux troubles...

samedi 30 juin 2012

Cigales libertines.


Hier avec M (c'est lui), nous nous sommes offert une petite après-midi libertine comme on aime en été. Parce que voyez-vous, le BDSM, c'est plutôt une affaire hivernale, un truc roboratif, qui tient au corps et qui donne chaud... L'été, tels la fameuse cigale aux temps chauds, on gaspille et on se déshabille, car le cuir ou le vinyle, quand il fait 30, c'est un peu dense. Nous nous transformons ainsi en libertins naturistes.Y'a pas de sots métiers...
Rendez-vous pour déjeuner sur une plage varoise, paysage idyllique, au loin les grues de la Ciotat et l'Ile Verte. Belle journée, grosse chaleur au bord de la Grande Bleue, les estivants sont déjà là. Beaucoup d'Allemands et d'Italiens. Les gosses d'ici sont en vacances, les ados passent, maigrichons ou trop ronds, en shorts trop larges et trop longs, garçons reluquant les filles qui gloussent doucement. La lumière est laiteuse tant il fait chaud, la mer est exquise, ça se voit rien qu'à la regarder. Les petits troquets de bord de plage affichent des prix de Champs Elysées pour de médiocres Niçoises qui n'ont même pas le nombre requis d'olives noires, ou des filets de rougets beaucoup trop cuits... Pauvres bêtes!
Mais nous aimons nous retrouver là et manger dans le thermique qui se lève, lorsqu'une légère brise tempère la chaleur immobile.
Puis, nous allons dans un charmant club libertin des environs proches. Perdu dans la pinède et les vignes, il a l'immense avantage d'avoir un grand extérieur, patio de bois, transats et parasols, piscine et jacuzzi out-door, une ou deux petites paillottes plus discrètes et un bar abrité de canis.
Dès l'entrée, je la vois. "Bonjour, vous êtes S.?" "Oui". Son regard trahit son léger étonnement. Le couloir est un peu sombre et débouche sur un soleil éblouissant. Elle ne m'a pas reconnue. Moi si...
L'été dernier, dans ce même endroit, avec une gourmandise et une franchise rare chez les femmes que j'ai pu croiser dans ce genre de lieu, elle m'avait draguée, un peu comme un homme, et m'avait clouée sur place  par la grâce de longues caresses douces et jouissives tout en éconduisant fermement des messieurs trop insistants qui n'auraient pas demandé mieux que de se mêler à nos jeux auxquels je m'étais prêtée avec un plaisir amusé et complice. M. me tenait la main tandis que sa langue me fouillait avec délicatesse et qu'elle plantait ses yeux dans les miens... Je l'avais relevée et nous avions échangé un joli baiser qui avait le goût de ma chatte. Et puis, quelques mots, des sourires, un feeling, nos prénoms et ciao! J'avais regretté de ne pas lui avoir demandé son 06...
Nous voici donc hier, tous deux nus sur des transats à l'ombre d'un grand parasol... Pas de mal de monde cet après-midi, des couples et des hommes seuls en nombre, guettant l'aubaine...
S. s'approche de nous. Elle se souvient, bien sûr... Il fait très chaud. On va dans la piscine ? L'eau y est tiède et claire. On a pied. Ses longs cheveux ondulent de perles d'eau. Elle n'est pas aussi jolie que dans mon souvenir, mais elle a du charme et de l'humour. Elle s'approche et me donne un long baiser, laisse courir ses mains sur moi dans l'eau. C'est doux et voluptueux. Elle me hisse sur le bord de la piscine et plonge sa tête entre mes cuisses. Je me renverse en arrière, M. sourit, je ferme les yeux. Le plaisir de sa bouche, de sa langue sur mes lèvres et mon clito qu'elle happe... nous jouons tous les trois longuement dans l'eau sous les regards des personnes présentes auxquelles nous ne prêtons guère d'attention. Je caresse ses seins, ses fesses, son ventre moelleux... Je la goûte, son sexe est attendrissant, caché, petit, etroit, je lui dis qu'elle une chatte de jeune fille... Au tour de M. de s'asseoir sur le bord de la piscine. Il est très excité et nos deux langues, nos deux bouches se mêlent le long de ses couilles et de sa queue, échanges de regards, je connais le sien, il adore, il le dit, il est au bord... Il lui roule une pelle d'enfer, ils ferment les yeux, je les regarde, je regarde leur plaisir. Son plaisir à lui. C'est la deuxième fois que je le vois avec une autre et c'est pour moi nouveau... et intéressant. Un peu déstabilisant peut-être. Je tiens à lui, mon coureur, mon galopeur... On sort de l'eau, ça commence à s'agiter autour de nous. Une nana se fait prendre par un groupe de 5 ou 6 mecs... Elle est très très occupée. Une des paillotte se remplit d'acteurs et de voyeurs. Nous restons sur nos transats. Je plonge sur le sexe de M, je le prends loin dans ma bouche, ma langue fait amoureusement le tour de son gland, je l'aspire, je le lèche de bas en haut, S. vient me prêter main forte et le branle avec une douce vigueur. Je m'empale tandis que S. et lui s'embrassent, yeux chavirés... Jouissances... Caresses et papotages. Piscine encore. Peau douce. Cette fille est drôle, décidée, délicieuse. Et j'ai son 06...

samedi 23 juin 2012

Work In progress.

Ma maison est en chantier. Depuis des semaines, je déménage pièce après pièce, je vis dans la poussière, les odeurs de peinture, je trie, je jette, je retouve de vieilles photos, de vieilles fringues, je bouge des cartons. Tout est désordre et je n'ai plus le temps d'écrire... À peine celui de lire. Fatigue. Métaphore de ma vie? Oui et non. Les choses ont beaucoup changé ces derniers mois, ruptures professionnelle et amoureuse, coups de froid, coups de blues, coups de mou, questions sans réponses pour l'instant, remises en cause... Mais l'été est là et avec lui, les promesses de mer et de bateau, de longues soirées et de musique, de cette parenthèse fantasmée tout l'hiver. Temps trop court toujours, temps des fenêtres ouvertes et des bruits de la nuit, temps de l'eau claire qui caresse mes seins et mes fesses, temps des cheveux en désordre et du sel séché en petites rigoles blanches sur la peau, temps de la vie au cabanon du bord de l'eau, des barbecues qui fument et des melons juteux. Temps qui repousse le temps des travaux indispensables et des bonnes résolutions, de la recherche harassante de l'endroit où l'on sera un jour enfin arrivée, enfin à bon port (fantasme mille fois plus injoinable que l'été en hiver), des questions sans réponses... On verra en septembre! Bientôt les vacances...

mercredi 30 mai 2012

Humeur taquine

En attendant un post qui chauffe à feu (très) doux sur je ne sais pas encore bien quoi, ni par quel bout l'attraper...

Trouvé sur le site Chers voisins, ce délicieux mot doux...



Et cet autre...


Et puis, toujours amusant à lire, les requêtes de Gogol 12 : 
- sardines vivantes (oui, j'en conviens, je suis une sardine vivante)
- avant que ton string sèche (heu... ben... j'attends qu'il sèche quoi!)
- cui fruit antillaise (y aurait-il un lointain rapport avec notre CUI ? Le nôtre quoi! Vous voyez qui je veux dire!)
- Comment obtenir une grosse bite, trucs de grandmère (???)
- voix glaciale
- blonde taille moyenne mince nue dans sa chambre (j'ai pas de photo, mais c'est pas loin...Qui a deviné?)
- Françoise attachée (Pardon Madame Simpère!)

et mon tube inusable :
- sandalette plastique (si, si)

vendredi 25 mai 2012

C'est ma tournée!

Aujourd'hui c'est le 25 mai. C'est mon anniversaire.

Je crois qu'à la fois, je n'ai pas envie de ce temps qui passe trop vite, je n'ai pas envie de compter... Putain! Déjà ?
Et aussi que je suis bien là où je suis, que je sens comment dire ? Cette impression obstinée d'avoir 35 ans... hum hum... D'avoir du désir, de me sentir belle, "bonne" aussi...  (la vulgarité de cette expression me fait mourir de rire...), plutôt correctement gaulée, plutôt désirée, un peu immodeste peut-être, mais que diable... Plutôt aimée, plutôt joyeusement bigame ( faudra que je vous entretienne de ma bigamie de plus en plus prononcée!)...
Je viens de passer une belle nuit avec l'un et je rejoins l'autre ce soir... Joli mois de mai!
Ce matin, en passant guillerette avec mon petit panier dans ma rue, un joli jeune homme qui fumait assis sur le capot d'une voiture avec deux ou trois collègues m'a regardé venir et m'a murmuré au passage "Bonjour Madame" sur un ton de gentillesse admirative... On s'est souri. It made my day. My birth day...
J'ai aussi une pensée très émue pour ma mère et pour mon père. Je suis leur première née et je connais bien les anecdotes répétées à l'envi qui entourent ce jour là. Les histoires de famille quoi... Je vous passe les détails drôles et émouvants. Mais j'y pense.
Il fait enfin très beau. J'ai des tas d'emmerdements, mais aujourd'hui, je les met de côté.
Belle journée à vous qui lirez ce billet aujourd'hui et à vous qui le lirez plus tard aussi. C'est ma tournée!

lundi 21 mai 2012

La peau douce

J'ai retrouvé ta bouche douce et tendre, ton sourire, tes yeux verts. J'ai retrouvé tes mains osseuses, ornées de bagues en argent qui te vont bien et qui ont chacune une histoire. Tu portes depuis deux ans celle que je t'ai rapportée d'Argentine. J'ai retrouvé tes invraisemblables t-shirts trop décorés à mon goût et tes pompes baroques. J'aime plus de sobriété. Mais ça fait partie de toi.
Nous avons retrouvé notre petit port secret, le soleil qui s'y couche, la promenade en bois, les restaus encore fermés hors saison, le bar-tabac des habitués, la plage qui n'a pas été nettoyée pour les estivants, et au loin la presqu'île qui prend des tons fauves en cette fin de journée.
J'aime retrouver ce qui nous lie. J'aime cette intimité à laquelle nous pouvons nous laisser aller ensemble. Se chercher. Se toucher. S'embrasser. Quand nous nous baladons, ta main posée sur mon épaule, ma main qui agrippe ta taille.
J'aime retrouver le goût du vin blanc et de ton petit cigare sur tes lèvres, l'odeur d'Isseye Miyake sur ton cou, ton phrasé métallique de titi des banlieues égaré depuis longtemps sur les rives de la Grande Bleue, tes jeux de mots approximatifs qui me font rire.
Le soir, après un repas chaleureux et bavard, après une soirée douce qui m'apaise, nous sommes allés nous coucher presque comme un vieux couple. Tu me racontes une anecdote arrivée à ta fille, on se lave les dents, je te fais écouter ma dernière trouvaille musicale, on se retrouve nus sous la couette, presque comme un vieux couple.

Tu te tournes vers moi et nous ne parlons plus.
Ta bouche cherche la mienne, ta poigne tord mes cheveux. Ta main caresse mon dos et vite descend sur mes fesses qu'elle saisit. Tes deux mains écartent mon cul. Je frissonne. La couette est jetée loin du lit. Je me love contre toi. Ton torse glabre me fait frémir. Ton sexe est déjà dur. Ta main si douce tout à l'heure s'abat brutalement sur moi. Claque, claque, claque... De plus en plus fort, de plus en plus fort. Fais moi mal Johnny! Fais moi mal. Fais le bien. Je sens mon cul qui rosit, je sens cette inexprimable chaleur qui s'empare de moi. Je me tourne. J'offre mon dos, mes fesses, mes cuisses à ta lubricité. J'aime être à toi. Je me livre et tu me prends.

Le lendemain matin, j'ai retrouvé ta peau douce et déjà bronzée, tes fesses musclées et les deux fossettes qui creusent joliment tes reins. J'ai retrouvé les traces de la nuit sur mon dos en légères estafilades rouge pâle. J'aime tes traces. Je t'ai observé te raser, nous avons pris un café, presque comme un vieux couple...

mardi 8 mai 2012

Attachée (2). Détachée.

Petit Robert :
Attacher : Faire tenir (à une chose), au moyen d'une attache, d'un lien. Faire tenir deux (ou plusieurs) choses ensemble.
Fixer, lier, mettre, enchainer, accoupler, assembler, joindre, réunir, unir, nouer. Engager, prendre. Fermer.
Attachement : Affection, amitié, amour, estime. Fidélité, constance. 
Attaché(e) : Personne attachée à un service. Attaché d'ambassade, attaché d'administration.
Détacher : Délier, dénouer, libérer.
Détachement : Abandon, renoncement. Oubli. Désintérêt, indifférence, insensibilité. Désinvolture, insouciance.

Des années, des heures, des minutes, des secondes fugaces de rêveries diverses, de pensées qui ont été tristes tout le long temps du silence, empreintes d’une mélancolie grecque, cet état antique qui permettait de vivre le deuil, de se dépasser, presque de trouver un sens à la vie, ce passage en temps de crise qui n’est pas que tristesse… 

Tu m'as définitivement rayée de tes cartes. Et bien, ancien cher ami, moi aussi. 
Tous autant que nous sommes, nous finissons par acquérir, après bien des efforts et quelques solides baffes, l’art de l’évitement, évitement des emmerdements, de la souffrance inutile,  de la jalousie mordante, de la vaine tristesse, de la frustration… 

Le plaisir pris ailleurs, dans d'autres bras, dans d'autres liens.
Une histoire de fouet et de cravache, de menottes et de cordes, de cuir et de vinyle. De sexe et de peau. Brûlures et caresses. Baise brutale et tendresse ultime. Cris et chuchotements. J’ai donné ma peau. J’ai reçu un plaisir inconnu. Libre et entravée. Moments délicieux, douloureux, épuisants, émouvants, sérieux, drôles, impétueux, et parfaitement inavouables… Partages intimes.

Je rentre d'un court et ravissant voyage en méditerranée, Ségeste et Sélinonte, pêcheurs et palais, douceurs et amertumes... 

Tourner la page, tourner toutes ces pages...

Ciao pantin!*

* C'est de saison non ? 

mardi 24 avril 2012

Antilles (12). Epilogue.

Je reviens en France le 15 décembre. Je ne sais vraiment pas ce que je vais  faire. Je prépare tout pour rester ou pour revenir.

Je confie les clés de ma maison et ma moto, ma petite machine à faire de la musique, quelques livres apportés par ma mère, quelques menus objets, quelques vêtements au couple d'amis propriétaires de la laverie et qui ont été si précieux. Ils appartiennent à une association caritative franco-dominicaine qui tâche d'améliorer le sort des plus pauvres, distribue des médicaments, donne du matériel scolaire aux enfants dominicains et haïtiens.  Il  y a aussi une petite bibliothèque française où les touristes sont incités à laisser leurs bouquins.
Je leur dis de garder tout cela, d'en disposer pour l'asso si je ne reviens pas, que je ne sais pas...La maison est louée jusqu'en février. Il suffit de rendre les clés au propriétaire.

La fête de fin d'année à l'école a lieu sous un soleil radieux. Mes élèves chantent la chanson de Joe Dassin "Le moustique" que nous avons apprise, avec une petite chorégraphie. On s'est bien amusé. Bonnes vacances les enfants. Soyez sages. A l'année prochaine. A dans trois semaines...
Je ne sais pas.
La veille de mon départ, Téo et moi  passons une soirée érotique, tendre et triste.
Il m'accompagne à l'avionnette.
Vas a regresar en este pais?
Tal vès. No sé.
Voy a estar tu Penelope mi amor!
Il sera ma Pénélope... 

Le voyage est interminable
J'arrive à Roissy où le froid vif me cueille. Pendant que j'attends le TGV sur le quai, je suis bleue. Mon léger blouson en jean et 3 ou 4 t-shirts en coton ne me protègent de rien.

Je ne reviendrai pas en République Dominicaine. Le 29 décembre, j'envoie ma lettre de démission à l'école.
Je vais mettre des mois, peut-être des années, à accepter mon propre choix. Je ne parle pas de regrets. Je n'ai pas "regretté" ce choix. Je parle de retrouver un endroit, une place, ma place.
Car j'ai eu le choix.   
Mais il était trop difficile de partir pour de bon avec mon enfant ici. C'est assez simple en fait. Je crois, je sais, que je suis resté pour elle d'abord, pour elle surtout, sans esprit de sacrifice, juste parce que je l'aime, et aussi, en second lieu, pour la possibilité de continuer le chemin avec lui.
Je crois que je voulais repartir.
Même si je savais que l'herbe n'était pas plus verte dans le pré d'à côté. J'avais goûté à la solitude, la vraie, celle qui te cloue d'impuissance. J'avais goûté à la vacuité des rapports humains superficiels, dans l'étroitesse d'un village où tu retombes toujours sur les mêmes personnes. J'avais goûté à une forme de liberté, mais la liberté est une des choses au monde les plus difficiles à assumer. Car est-on jamais libre ? Qu'est-ce que ça veut dire "aller au bout de ses rêves?" (à part un tube de Goldman...).
L'idée que ma fille grandisse à 8000 km m'était insupportable.

Les choses ne seront pas faciles. Il y aura un autre départ, différent. Il y aura d'autres amours, d'autres amants. Il y aura des évènements - des accidents de la vie comme on dit- qui me lieront à jamais à l'homme qui partage ma vie, quel que soit notre avenir (car demain n'est jamais sûr...).  Des deuils, et la maladie de notre enfant qui se déclarera deux ans plus tard et dont elle réchappera de justesse, au prix d'une opération à coeur ouvert de la dernière chance. D'autres choses encore. Les équilibres sont longs à trouver et je ne suis pas sûre de parvenir un  jour à la sagesse, ni au contentement.

La petite est grande. Elle va très bien merci! Elle rentre d'Istanbul et projette de partir en Amérique Latine pour sa troisième année d'études, année dite de "mobilité"... La Bolivie la tente, ou le Brésil, ou alors le Mexique...

Quant à moi, je me suis débarrassée des amibes, mais pas du virus de l'ailleurs.

Epilogue de l'épilogue :

Par ordre d'entrée en scène

Mon amie instit avant moi, qui m'avait accueillie là-bas la première fois, a connu pas mal de déboires. Elle va mieux, habite toujours les Bouches du Rhône. On se fait un  petit coucou de temps en temps.

Alex a prospéré dans les affaires. Son cabinet a l'air de bien marcher. Il a aujourd'hui 41 ans, il s'est marié avec une française (que Dieu la garde!), a deux enfants. Il a beaucoup forci sur les photos... (Merci FB!)

Le directeur de l'école est parti sous d'autres tropiques.

Mes amis ont toujours la laverie.

Mercé a fini par épouser Eddie Elle habite à Paris. On s'est parlé il y a environ deux ans. C'était toujours aussi compliqué avec son désormais mari. Lui vit en Rep Dom. Nous nous sommes promis de nous revoir... un jour...  Nous sommes amies sur FB (Merci FB!).

Claudia a toujours son école de langues. Elle a vendu sa petite maison de bois dans les lomas. Elle venait de rencontrer quelqu'un quand je suis partie. Je n'ai pas de nouvelles.

J'ai eu une brève aventure avec Andréas que je suis allé voir à Barcelone en janvier 2004. En fait, nous étions très attirés l'un par l'autre... Quelque chose aurait peut-être été possible, mais ma décision était prise. Il fait toujours de la bossa-nova et la finca et ses recherches. Nous sommes amis sur FB (Merci FB!).

Le premier fils de Téo est né lorsque je suis rentrée en France. Lui  a maintenant un gros cabinet comptable. Il a déménagé dans un local vaste et moderne. Sur son site internet professionnel, j'ai vu sa photo. Il est toujours aussi beau.

Ma copine à la mygale est toujours prof à l'école. Je n'ai pas de nouvelles.

Après quelques mails, Laura a disparu dans la nature.

Quand je suis partie seule en Argentine, trois semaines à Buenos Aires, en 2010, ma fille m'a dit : "Dis donc maman, tu reviens cette fois ? Tu vas pas rester là-bas ?" 

Merci à ceux et celles qui ont lu l'aventure.



lundi 23 avril 2012

Antilles (11). La saison des pluies.

C'est la saison des pluies. Il tombe de véritables trombes d'eau du ciel, l'humidité est partout... Les jours filent et je réfléchis beaucoup. Quel sera mon chemin ? Quels sont mes vrais désirs?  Depuis le séjour de ma mère et de ma fille, mon mari et moi correspondons. Le lien est rétabli.
Je n'ai jamais fermé la vieille boite mail que j'avais ouverte dès les années 2000 chez un des "opérateurs historiques"... Elle existe toujours et j'ai toutes mes correspondances de cette époque là...
Je dois revenir en France à Noël et Noël s'approche. Je me sens à la fois de plus en plus au seuil de la vraie découverte du pays, de plus en plus à l'aise, je me débrouille en espagnol, tout cela satisfait ma soif d'ailleurs, de découvertes, de vivre autrement, loin de la vieille Europe... Et en même temps, je sens bien que bientôt, cela sera irrémédiable et que je ne pourrai pas revenir en arrière...
Alors je tente de concilier les deux choses... Ze butter and ze money of ze butter ? Non. Plutôt le désir d'aller un peu loin, mais aussi de revenir à bon port sans casser le bateau...

Extraits d'un mail à mon mari daté de la mi-novembre 2003 :

"Je ne sais pas très bien pour où commencer. Je t'écris dans ma tête depuis des jours.
Ce soir lundi, Internet Café dans le bruit de la musique latino, dans les odeurs de bouffe... Je t'écris.
Journée plutôt merdique... Pluie pluie, pluie et vent...Mauvaise journée à l'école où on m'a confié au débotté la classe d'un collègue malade... Puis cet après-midi, chute en moto dans une flaque de boue... Sans gravité, quelques égratignures, et quelques bleus, mais une belle peur...Couverte de boue de la tête aux pieds et mon K-way dechiré. Et Internet qui déconne... Et une réunion a l'école sans intérêt... Le genre de journée où il vaut mieux rester couchée...

(...)  Des mots qui resteront  entre lui et moi.

Je pense à tout ça et je sais aussi que je suis en train de vivre par ailleurs une vraie expérience de vie et de découverte...
Découverte progressive d'un pays, d'une région du monde, d'une langue...
(...)
J'ai rencontré un allemand étonnant qui est ici depuis 20 ans - imagine que l'électricité est arrivée a Las Terrenas il y a 8 ans seulement...- et qui possède depuis 1985 une finca, une plantation de 30 ha qui produit les plus belles fleurs tropicales du pays, du yaourt bio... Il est ingénieur agronome et est conseiller du gouvernement dominicain dans ce domaine... On a beaucoup discuté. Il rentre en Europe pour
quelques mois à partir de Noël et a besoin de quelqu'un pour sa finca... Il me l'a proposé, bien que je lui ai dit que je n'y connais rien... C'est un endroit magique dans les lomas, à quelques km de la mer. Il y a des iguanes et des cacatas - des mygales, je suis pétrifiée d' avance-, des vaches, des chevaux, une nature luxuriante.
Il y a aussi un autre allemand sur le coup et on serait 2... Bref, on parle... Je n'ai bien sûr pas dit oui. Mais j'y pense pas mal et je crois que ça pourrait être pour quelques mois une expérience passionnante... Loin de l'école française où je m'ennuie un peu... Je gagnerais pas un rond... Ca serait l'expérience  que je souhaitais dans mes premiers projets avant d'accepter le poste d'instit car je sentais ce désir de départ tellement fort en moi...
J'ai une proposition à te faire.
Je rentre en France le 15 décembre.
(...)
J'aimerais ensuite revenir ici et tenter peut-être l'expérience de la finca... Notre fille et toi pourriez venir passer du temps ici en février pendant les vacances. Et puis pourquoi pas, elle pourrait s'offrir le troisième trimestre ici avec moi en suivant les cours de 6ème a l'école - bon niveau le CNED, pas de souci -. Ce pourrait être une belle histoire...
Et puis tu nous rejoindrais 2 mois ou 2 mois et demie en juin/juillet/aout - avec la RTT, ça doit être jouable - et on pourrait visiter l'ile et même aller au carnaval de Santiago de Cuba. C'est tout près.  Je connais aussi quelqu'un qui connait bien Cuba - en fait plusieurs personnes - qui ont des adresses à Santiago chez des cubains qui fréquentent l 'Alliance Française de Santiago... Tu mettrais à profit tes cours de salsa, laquelle salsa tu dois mieux danser que moi, car ici, ils n'y connaissent rien en salsa... Après, on rentre. Car vraiment, je ne ferai pas ma vie ici.
(...)
En fait pourquoi ne pas profiter de ce que je vis pour le vivre ensemble ? Pour partager ce rêve qui n'en est pas un ?
Car la dureté est ici très vive. C'est un drôle de truc l'exil dans un pays de sauvages, un pays où l'inflation galope à 50 pour cent par an, un pays du tiers-monde, un vrai, sans fard, tu verras si tu viens, et où la douceur de vivre te happe cependant. Car ce sont des pays rudes et violents.
Je te fais cette proposition et peut-être vas-tu penser que c'est une autre idée folle, qui ne tient pas compte de toi, de la petite, de ta vie, de tes désirs. Que je continue à vivre à côté de la réalité... Que basta, ça va comme ça... Ya ! comme on dit ici - ça veut dire ça suffit ...
Ce n'est qu'une proposition et si tu me dis que non, décidément non, alors, je voudrais rentrer pour essayer de revivre avec toi. (...)".

Toute mon ambiguïté est là, mes désirs, mes peurs...
Sa longue réponse, tendre et aussi ambigüe que cette lettre...
Le départ approche. Dans quelques semaines, une décision, forcément se fera jour...

En attendant, je me rapproche toujours plus d'Andréas, et je deviens amie avec Laura, elle aussi institutrice à l'école. Une super déjantée celle-là... Elle a trente ans, deux mômes, un mec qu'elle a jeté pour vivre une histoire passionnée et mortifère avec un black maître de vaudou. Le vaudou est très présent dans l'île. Il l'envoûte véritablement, la drogue, la baise, la bat... mais elle l'a dans la peau et fait des kilomètres en bus dans la poussière et la boue pour aller le rejoindre à la capitale, dans une case où elle vit des trucs mystérieux et dangereux. Elle a toujours de l'herbe. On fume un peu toutes les deux, on parle, on fait à manger pour les enfants qui sont un peu paumés dans ce tournoiement, on écoute Led Zep... C'est assez rockn'roll avec Laura. Elle est brillante, perdue, je l'aime beaucoup, et j'ai peur pour elle.

Et moi qu'est-ce que je vais faire ? J'attrape des amibes, je suis malade comme un chien, il pleut, rien ne sèche. Le temps se met à passer très vite. C'est la saison des pluies.

samedi 21 avril 2012

Antilles (10). Iguane.

La finca d'Andréas est à quelques kilomètres du bourg dans les lomas. On y accède par un chemin de terre large mais abrupt, raviné par les pluies, en pleine nature. La vue est magnifique sur la mer.
Je n'ai pas trop fait le guide touristique jusque là, mais je ne résiste pas à vous faire partager quelques photos...
 Il y a aussi une piscine naturelle. L'eau y est douce et surtout fraîche, fraîche...

Et puis un jardin exceptionnel.
J'y suis invitée un soir par l'intermédiaire de Claudia. Nous ne sommes pas très nombreux, c'est assez joyeux, simple et convivial, autour d'un barbecue. La terrasse est en ciment blanchi, les meubles de bric et de broc. Deux gros chiens pacifiques sentent affreusement le chien. Dans la grande cuisine foutraque, il y a sa "alma de casa", son "âme de maison",  sa "gouvernante" dominicaine qui mange avec son homme et ses enfants. Derrière la maison, il y a un poulailler. L'ambiance n'a rien à voir avec celle des villas, des résidences gardiennées, bien meublées à la mode "contemporaine-tropicale" en vogue chez la plupart de mes connaissances. Très vite les guitares sortent de leurs étuis. Andréas et Claudia sont des fans amateurs de bossa-nova et de musique brésilienne. Claudia a une jolie voix et leur duo est parfois invité à différentes soirées...
On devient vite assez proches avec Andréas.
Il a environ 40 ans. Il vit seul à ce moment là, mais sa vie est sans doute plus compliquée qu'il ne le laisse paraître. Il a quelqu'un je crois à la capitale. Sa femme, espagnole,  l'a quitté et est retournée vivre en Espagne avec ses deux enfants adolescents. Sa fille aînée qui doit avoir 16 ou 17 ans ne rêve que de revenir habiter avec son père. Ses enfants lui manquent, mais peut-être pas tant que ça ? Il semble relativement résigné à la situation et de toutes façons sa vie est ici. Il est inadaptable à L'Europe où il n'a guère vécu. Il est dans son biotope.
Il a toujours des problèmes de fric, car il doit en envoyer en Espagne et son salaire, sans doute élevé pour le poste qu'il occupe à Santo-Domingo, ne vaut pas grand-chose en Euros.
Ce n'est pas vraiment un business man... Plutôt un rêveur utopique qui court après le temps pour faire tout ce qu'il aime : traquer les petites bêtes pour ses recherches d'entomologie, exploiter la finca, jouer de la bossa-nova, faire la fête...
Il s'est installé là à la fin des années 80 et est l'héritier de l'esprit des débuts de la découverte de Las Terrenas. Il a acheté 30 ha de terrain pour faire de l'agriculture biologique (c'est un allemand tout de même!). Il cultive les fleurs tropicales qu'il vend aux touristes ou qu'il expédie par avion de part le monde, fabrique des yaourts bio et veut faire de son royaume un parc, un modèle d'écologie et de conservation de la flore et de la faune. A l'époque où sa femme vivait ici, c'était plus facile de concilier tout cela, même si lui passait la semaine dans son labo à 4 bonnes heures de route. Mais sans doute en a-t-elle eu assez de jouer les fermières des Tropiques en plus d'être une femme de marin... Il est aussi jardinier/paysagiste et glane les contrats d'entretien des jardins des villas et résidences acquises par les européens. S'il est obligé de déployer une activité assez frénétique pour s'en sortir, il ne se départit jamais de son flegme et de son hospitalité.

Je vais souvent chez lui le week-end et il m'emmène dans sa tournée des jardins. On se baigne à poil dans les piscines à débordement des villas somptueuses vides de leurs occupants et on l'impression de jouer aux 400 coups.  

Claudia et lui m'embauchent dans leur duos pour faire "tchikitchi" avec un petit maracas en forme d'oeuf. On répète et je sais aujourd'hui que maintenir le bon rythme tout au long de "The girl from Ipanema", c'est une certaine forme d'abnégation, voire de retraite spirituelle et des crampes à l'avant-bras. 

Il me parle de ses recherches. Il combat une chenille parasite arrivée en Amérique Centrale par bateau depuis l'Indonésie avec des cargaisons de bois exotiques (un comble) et qui détruit le manioc, culture vivrière vitale pour les dominicains,  faute d'être éliminée, sa prolifération régulée par un prédateur endémique. Il travaille à l'importation d'abeilles qui mangeraient la chenille avec toutes les incertitudes que cela peut provoquer sur la chaîne alimentaire, si l'abeille se développait un peu trop à son tour...  alors qu'il serait peut-être plus simple pour le gouvernement dominicain d'en appeler à Monsanto. Il m'explique toute la fragilité des écosystèmes rendus perméables à cause de la mondialisation et de la circulation des biens de part le monde. Ce dont à l'époque je n'avais à peu près aucune idée.

Nous ne sommes pas attirés l'un par l'autre. C'est assez reposant... 

Un jour, je me balade dans la propriété, nez au vent et dans les hautes herbes, je perçois un mouvement. Je m'approche et manque m'évanouir en voyant un iguane, une grosse bête d'environ 1,50m, camouflé par sa couleur gris/vert. Il me regarde sombrement. Je ne bouge plus. Je suis à quelques centaines de mètres de la maison et je suis paralysée de peur. Je me mets à crier très fort. Je l'appelle. Personne n'arrive. L'iguane fait un pas lourd dans ma direction. J'ai l'impression d'être dans Jurassic Park. Je bondis, je fais demi-tour, je cours à perdre haleine jusqu'à la maison, je crie encore. Enfin Andréas m'entend. J'en perds mes mots. Il finit par comprendre et éclate de rire. C'est un iguane qu'il a recueilli, soigné et remis en liberté. Ce n'est pas la première fois. Il m'en montre un autre dans une des cages du poulailler, tout maigre, tout gris. Sa peau ridée pend lamentablement. Il n'en est que plus laid. Les iguanes sont fragiles et très sensibles à l'urbanisation. Alors quand il en trouve un mal en point ou blessé, il le recueille. Ce sont de braves bêtes... Certains en font même leur animal de compagnie. J'en étais sûre. Pas pire qu'une vache en fait.

mercredi 18 avril 2012

Antilles(9). Mygale.

Mercé est ma seule amie dominicaine et il n'est pas question qu'elle apprenne ce dérapage incontrôlé... Elle n'en saura donc rien. Eddie et moi garderons une complicité amusée.

C'est difficile d'être une femme seule dans une petite communauté comme celle de Las Terrenas et de vivre une vie libre.
Certaines femmes vous considèrent forcément comme un potentiel danger, certains hommes comme une potentielle salope. L'état d'esprit est très "provincial" (no offence! je suis une provinciale!), assez étroit, probablement assez loin des premiers babas cools qui ont investit les lieux...
Les touristes font ce qu'ils veulent, ils ne sont que de passage.
Les résidents, c'est autre chose. Petite communauté essentiellement de commerçants, tout le monde se connait et les potins vont bon train.
Il faut bien avouer que les distractions sont limitées et clabauder est un passe-temps universel...
Citadine invétérée qui a toujours vécu dans les grandes villes sans m'occuper de mes voisins,  je dois être prudente. C'est aussi ce que m'apprend Claudia et c'est la raison pour laquelle elle sort peu et habite un endroit retiré, ce qui lui permet de vivre comme elle l'entend.

J'ai ma vie d'instit', ponctuelle et travailleuse.
La plupart de mes collègues sont des femmes, en famille. Leurs époux sont commerçants ou artisans. Beaucoup sont dans l'immobilier, construisent ou vendent des maisons. C'est un commerce florissant, aujourd'hui encore plus sans doute, au vu de ce que j'ai glané sur internet en écrivant ce récit. Les artisans français sont très courus. Ils sont aussi restaurateurs, loueurs de voitures...  Boutiquiers...
De temps en temps, nous allons manger un morceau ensemble. Quelques unes sont sympas. Je ne partage pas grand-chose. Je crois qu'elles ne comprennent pas ce que je fais là, qu'elles désapprouvent peut-être vaguement... Mais elles ne font pas de commentaires, en tous les cas, je n'en ai pas l'écho.

Une jour, l'une d'elle arrive à l'école et raconte comment son compagnon a trouvé une mygale dans la cuisine et l'a emprisonnée sous un saladier. Tu veux venir voir ? Quelquefois les mygales rentrent dans les maisons. Il ne faut pas s'affoler. Ah bon ? Oui. Tu les pousses dehors avec un balai. Ah bon ? Oui. Elles ne sont pas forcément agressives. Il ne faut surtout pas les pousser dans un coin, car si elles se sentent acculées, alors là, elles te sautent dessus. Elles ont une bonne détente, elles peuvent sauter à 1,50 ou à 2m... Super! Je sens que je vais adorer. Tu veux venir la voir ?
J'arrive dans sa maison, en haut d'une petite pente si raide que je laisse la moto en bas. On prend le thé avec la mygale dans sa prison de verre. Elle est large comme une petite assiette, noire, orange et velue. Elle bouge vaguement, n'a pas l'air en forme, mais je ne donne pas cher de ma peau si on soulevait la cloche!

Une femme avertie en vaut deux...


J'ai ma vie de célibataire.
Je me suis enhardie maintenant que je suis là depuis quelques semaines. De temps en temps, je sors, je retrouve toujours dans les bars de la plage quelques personnes que je connais. Je bois des verres, je fume, j'écoute du jazz, de la bachata et de la salsa. Les conversations ne sont pas forcément passionnantes. Je n'en garde pas de souvenir particulier. Je me souviens à peine des gens que je croise, résidents ou touristes. Vie coloniale. Je reste une heure ou deux, je ne rentre pas trop tard, je me lève tôt en semaine. La classe demande pas mal d'énergie. 
Le vendredi et le samedi je vais danser. J'ai vite appris la bachata, chaloupée, bassin contre bassin, jambes emmêlées, et le mérengué, plus syncopé, plus rapide, plus brutal, collet serré. C'est un grand plaisir et comme je ne danse pas trop mal  pour une européenne, que j'ai du souffle, que je suis souriante et plutôt marrante, je ne manque pas de cavaliers tous plus dragueurs les uns que les autres. Trop facile. Tu claques des doigts, ça tombe comme des mouches. Je pourrais coucher avec un mec différent chaque soir. Aucun intérêt. Je m'abstiens.
Blancs et dominicains, hommes et femmes se mêlent et j'observe les manoeuvres des petits blacks qui emballent des américaines roses et potelées... Les filles sont souvent jolies et draguent le touriste ébaubi qui est là pour ça. De belle lianes dénudées, nombrils à l'air et chutes de rein qui tombent dans des micro-shorts... Dès qu'elles se fânent, dès qu'elles sont enceintes, dès qu'elles se marient, une nouvelle vague arrive...  Il y a bien sûr du tourisme sexuel. Les hommes blancs, jeunes ou vieux, moches, gros sont pour la plupart sans complexes! Certains se tortillent comme des savates. Certaines femmes ne valent pas mieux et sont complètement à contre-temps dans les bras noirs ou métisses qui tentent de les garder dans le rythme. Je suis au spectacle et j'y participe aussi. C'est assez drôle. Le corps et le sexe sont omniprésents.
J'aime aller danser dans ces boites à ciel ouvert, les pieds dans le sable, à quelques mètres de l'Atlantique tiède. La lune se reflète dans l'eau noire, on aperçoit les silhouettes des barques de pêcheurs. Je sirote une caïpirinha et je suis dans la carte postale. A 3 heures du matin, je prends ma moto et vais écouter la nuit dans ma maison aux persiennes en bois.

Je suis très copine avec Pedro, mon mécanicien. Il prend soin de ma moto et de moi. C'est un grand noir rieur qui veut absolument m'épouser (on veut souvent m'épouser!) et avec lequel je danse des mérengués d'enfer, qui se terminent en sueur. Je lui ai dit non fermement une fois et cela a suffit. On est très potes. Il doit avoir dans les trente ans  et c'est l'amant de Colette, une retraitée d'une soixantaine d'années, perpignanaise rigolote à qui on ne la fait pas. Sauf lui, qui pique dans son portefeuille, la trompe éhontément et pour lequel elle a toutes les indulgences...  Elle l'a lourdé plusieurs fois, mais il revient toujours, il lui fait l'amour, lui jure fidélité, et ça repart. C'est ma voisine, elle passe ici plus de six mois de l'année et j'aime bien aller prendre le thé chez elle, vautrée dans un grand fauteuil en bambou sur sa terrasse qui donne sur un beau jardin tropical bien entretenu. C'est une femme qui a de l'esprit, de l'expérience et de la détermination. Elle s'emmerde en France à jouer les grand-mères avec ses enfants qui la collent dans la case "mamie" et ses copines retraitées qui vont jouer au bridge le jeudi et qui font du bénévolat aux Restaus du Coeur...  Ici, elle revit, c'est une seconde jeunesse. Elle déteste la petite communauté locale qui la juge. On s'amuse beaucoup toutes les deux et elle me remonte le moral quand j'ai des rechutes...

Un soir, mon oeil est accroché par celui d'un dominicain qui est là avec un groupe masculin. C'est un grand et beau mec, aux traits fins, plutôt bien habillé. Je ne l'ai jamais vu. D'un regard, on se retrouve sur la piste de danse. C'est discrètement chaud... On danse en se regardant beaucoup, en se souriant beaucoup. Il retourne vers le groupe de messieurs en costard avec lesquels il est arrivé.
Je le retrouve quelques jours plus tard. En fait, il me cherchait. Il s'était renseigné sur moi, avait vérifié que je n'avais pas de "novio" (fiancé), savait que je travaillais à l'école, que j'avais été avec Alex. Tout se sait. On boit un verre, deux, on danse... A la fin de la soirée, je l'embarque sur ma moto. On rentre chez moi. Il baisse toutes les persiennes. Il m'enlace. La suite est prévisible. 
Téo devient mon amant. Nous poursuivrons la relation jusqu'à mon départ.

C'est un jeune expert comptable qui vient tout droit de la capitale et qui, sentant le potentiel commercial de la péninsule de Samana a ouvert un cabinet, plus simple et moins cher que dans d'autres zones touristiques. Il tient les comptes de nombreuses entreprises, hôtels... Le modèle juridique est calqué sur le modèle américain. Dans tous les cas, il est différent du nôtre et les cols blancs dominicains dénouent tous les problèmes -propriétés, "titulos", comptabilité, impôts, cartes de séjour- des étrangers.

Il est marié à une chilienne qu'il a rencontré sur internet (déjà!) et qu'il est allé chercher là-bas. Elle est enceinte. Il s'ennuie un peu dans le lit conjugal. Comme tous les dominicains, je dis bien tous (et sans doute les autres),  il a une ou des maîtresses. C'est vraiment un pays de machos et ce n'est pas prêt de changer. Il y a même là-bas des hôtels spécial adultère où l'on loue les chambres à l'heure. Il semble que cela soit très courant en Amérique Latine. Il y a la même chose en Argentine où j'ai séjourné il y a deux ans. 
Lorsqu'il vient me voir le soir, le moto-concho le laisse à quelques centaines de mètres, devant chez un "client" et il termine à pied. S'il baisse toutes les persiennes, ce n'est pas pour rendre les choses plus intimes, c'est juste parce qu'il est trèèèès prudent. Tout se sait. Nul ne doit être au courant de notre relation. Tout le monde fait tout, dans tous les sens, mais chuuuut! Moi, je m'en fous.
J'aime faire l'amour avec lui. Il est grand et assez baraqué, sensuel, attentif. Il a cette peau moirée et douce qui me transporte. Je ne suis pas amoureuse. C'est plaisant et distrayant. Quelquefois, je fais à dîner et il est enchanté de la façon dont j'accommode les cuisses de poulet... Ma cuisine est exotique. Le fait que j'adore le sucer aussi. Et que je lui offre mon cul encore plus... C'est sa première fois. Il apprend vite...
Je passe souvent le voir à son bureau. C'est une maison en dur, une case un peu améliorée, qui donne sur une venelle poussiéreuse et ordurière. Un vieux ventilateur brasse l'air, sur les étagères un peu rouillées, et par terre de nombreux cartons. Nous faisons l'amour fiévreusement sur sa chaise de bureau fatiguée ou sur sa table encombrée de dossiers.

On passe des heures à parler. Enfin, lui parle beaucoup. Son enfance, ses études, la vie ici. J'apprends et je prends tout. Je fais beaucoup de progrès en espagnol. Ca aide! C'est une source précieuse qui m'explique la vie dominicaine. Il est noir et révolté que toutes les élites du pays soient blanches, ce qui est vrai. Président de la République et ministres, magistrats, hommes d'affaires se vantent tous de leur ascendance espagnole. Ce sont des hidalgos, les 200 familles. Je le revois marchant de long en large dans le séjour, moulinant les bras, s'exclamant "Entiendes! Es un club!" (prononcer "cloub") Tu comprends, c'est un club! La peau blanche vaut tout l'or du monde dans ce pays de toutes les couleurs, où les yeux verts ou bleus des noirs, où les peaux de toutes nuances disent assez le métissage. Je crois que lui s'est attaché à moi. Il me promet un jour de m'emmener à la capitale, dans son quartier. Nous n'aurons pas le temps de le faire. Il m'accompagnera lorsqu'à mon  tour je prendrai le petit avion qui m'emportera vers Santo-Domingo, première étape de mon retour sur le sol natal... Nous échangerons quelques mails les mois suivants. Il écrira "Me haces falta". Tu me manques.

J'ai ma vie amicale.
Je me rapproche beaucoup d'Andréas et de Claudia. La finca d'Andréas est un endroit incroyable dans les lomas.
Bientôt la suite...