dimanche 30 octobre 2016

L'anglais (2). Scarification

Tu as marché dans l'automne londonien. Il y avait des canaux, des arbres, un cygne, du soleil. Tu es allé de ton long pas, à l'amble, cavalier... Je t'imagine assez à cheval, buste droit, en haut de forme, monocle et barbe, élégant, tenant les rênes d'une main souple et ferme... Mais tu es allé dans Londres à pied de ton long pas.
Tu as marché vers cette épreuve longtemps désirée, longtemps attendue, longtemps fantasmée, longtemps pensée, anticipée, dessinée. La veille, tu avais des papillons dans le ventre, des papillons de peur et d'excitation, de désir aussi. Tu as peu dormi. Tu t'es réveillé beaucoup trop tôt et tu as attendu un peu de jour sur la ville pour partir. Partir seul dans ce voyage très personnel. Traverser la ville comme Alice a traversé le miroir. Vers un ailleurs. 
Tu es arrivé où ? Etait-ce une de ces petites maisons anglaises, semi-detached ? Bow-window ? Un appartement ? Je ne sais pas. Tu étais à l'heure.Tu as sonné. Il t'a ouvert.
Le rendez-vous avait été pris il y a un an. C'est un homme très occupé. Un des meilleurs dans le genre. Une réputation à l'échelle de l'Europe, et au-delà. Il a une drôle d'allure ce gars là. Tatoué des pieds à la tête, piercé, il est beau et la toile d'araignée de son visage laisse voir des traits jeunes et fins... On peut avoir l'impression qu'il est inatteignable, que ses yeux soulignés de khôl te transpercent parce qu'il taille dans les chairs, dans les langues, dans les ventres, dans les cuisses, dans les bras tendres et blancs. Mais il est là, avec toi et pour toi. Il sourit, parle, prépare le matériel...
Tu t'es déshabillé. Deux heures après, le contour de ce dessin que tu as imaginé, qui fera le tour de ton bras en spirale infinie était découpé dans ta peau. Peu de sang en fait. Tu te sens fort, bien, juste, là où tu as choisi d'être. Ce moment précis où tu es là.
Et puis, il a appliqué un onguent anesthésiant et il commencé à te peler la peau.
C'est ancestral la scarification. En Afrique, en Australie... Les hommes et les femmes se faisaient et se font scarifier. personne ne pleure de douleur. Rites mystérieux de passage d'un état à un autre.
Tu es allé au bout. Tu as voulu marquer ce passage, ce changement, tes changements. Ta vie à toi. Ta spirale de vie.

                                                                                                Photo contractuelle.

mardi 23 août 2016

Une nuit presque blanche. Shibari au Sud...



Quatre pièces sont empilées les unes sur les autres dans la petite maison de ville, sur la place ombragée. Et tout en haut, la terrasse derrière la coupole imposante. On pourrait plonger dans la mer. On pourrait sautiller de toits en toits avec la tourterelle qui n’a pas peur. On pourrait comme Icare voler à travers la brume vers la boule rouge du soleil couchant. On ne se brûlerait pas les ailes. Les dalles sont chaudes du jour. La table est plaisante et gaie. Tracy Chapman chante le blues des temps d’aujourd’hui. Le présent est ici, connivence et légèreté.
Le temps a filé, il est déjà tard. Il se lève et je me dénude. Il fait doux.
Debout, il s’approche et passe la première corde, celle qui la première contraint le souffle. Il me pousse dans le dos, doucement, et attache mes bras haut à la poutre du toit de tuiles. Mes jambes. Debout comme un héron, droite ma jambe. Haut l’autre, pliée contre moi, il tend mon pied à l’angle, je n’ai pas mal. J’aime plier haut mes jambes. C’est redevenir bébé élastique, qui attrape ses chaussettes en riant.  La corde passe fort sur mes yeux, dans ma bouche. Je n’entends plus les autres. Je suis avec lui, contre lui. Je laisse aller ma tête sur son épaule. Elle s’approche et prend mes orteils dans sa bouche. J’ai un peu honte de mes pieds sales. Elle me dit : « Non. La poussière de tes pieds fait partie de mon plaisir ». Je frissonne et je regrette que ça finisse déjà. Je redescends sur le sol tiède, en tailleur, je me prosterne, les cheveux sur le sol, je me sens pleine et déjà vide de ce plein. Lentement, les cordes tombent. Il me prend dans ses bras. Cette légère fatigue bienheureuse de l’après. De l'encore…
L’elfe s’approche d’elle, celle du Nord qui aime si fort le Sud, la fille aux yeux clairs. Elle aussi a enlevé ses vêtements. Les courbes de son corps ferme et plein sont de nacre dans la lueur des bougies. Elle ferme les yeux. Elle part dans son voyage, ses seins ceinturés, ses jambes enserrées, ses mains comme en prière.  Soulevée, ses cheveux s’ébouriffent et sa bouche tète le pouce de l’amant des cordes. Son visage est dans un halo grave. Elle est un gabian qui plane sur la ville.
Nous chuchotons un peu, le plus bas possible, pour ne pas déranger la madone et l’elfe aux gestes lents et précis. Il la balance un peu. Il vérifie un lien, un nœud. Il lui tourne autour avec douceur et tendresse. Sa main caresse et sa main contraint.
Un peu plus tard, sa belle redescendue et revenue dans ses bras, un peu étourdie sans doute de ce beau voyage en l’air, l’elfe des pierres pose  une première entrave autour  du corps nu de la liane de l’homme des bois. Longues jambes et petits pieds. Petits seins et bras tendus en offrande. Vite, il va vite cette fois. Gestes renouvelés et pourtant non. Gestes les mêmes et gestes différents. Danse vive et parfois presque saccadée. Gestes précis et rapides. Quelquefois, il lui demande à voix basse si ça va. Oui, ça va. Vas-y ! Assez vite, elle monte, monte, arquée. Ses yeux à elle aussi sont fermés. L’homme des bois est assis et regarde de tous ses yeux. Elle est si belle ainsi.
Nous sommes silencieux.
Les cordes vous rendent si belles, si présentes et si vulnérables, si abandonnées et si conscientes de cet abandon.  Je sais. Quand je vous vois, je suis vous, presque vous.
L’elfe  défait, refait, l’arque boute encore un peu, tire sur ses pieds, tire encore. Elle est si belle ainsi.
Son corps s’affine encore, ses pieds l’un sur l’autre, ses fesses tendues, image rétinienne. Son visage se fronce, puis s’apaise en un sourire entrevu dans la lumière vacillante des bougies.
Quand elle redescend, l’elfe l’entoure de ses grands bras, de ses mains, de sa voix en murmure, de son regard adouci. Elle se lève, elle marche un peu et l’homme des bois l’aime. 
Plus tard encore, dans la grande pièce, je n’ai pas vraiment réussi à dormir, les lattes des volets rayaient la lumière des lampadaires. Ma tête s’élançait vers les étoiles pâlissantes et mes jambes nerveuses piaffaient.
Au tout petit matin, nue sur la terrasse, j’ai regardé le premier ferry de Corse qui rentrait au port sur la mer de plomb fondu. Je frissonnais un peu.

Photo contractuelle...

dimanche 7 août 2016

L'anglais.

Tu m'as dit" tu veux venir chez moi ?" Et je t'ai suivi.
Femme libre, toujours tu chériras la mer. 
Tu m'as dit "tu as de jolis pieds" et aussi "tu as de beaux seins".
Tu m'as dit tant de choses et je t'en ai dit tant aussi. 
Tu m'as parlé de ta maison sur l'île, au bord de la mer. La maison de vacances de ton enfance. Une petite maison toute simple, il n'y a pas d'électricité, il n'y a pas d'eau. 
Je l'ai imaginée en bois blanchi, avec une grande terrasse couverte, qui donne l'ombre, deux rocking-chairs qui regardent la Méditerranée. Bleu et blanc, sel et peau, chaleur et sable... 
Je l'ai imaginée avec un vaisselier remplie d'assiettes dépareillées, de saladiers dans lesquels on met les tomates et les poivrons, un barbecue pour griller le poisson, un petit garde-manger grillagé pour garder le fromage à l'abri des mouches, des melons et du vin jeune et blanc. 
Je l'ai imaginée la nuit, le bruit calme et léger du ressac et la profondeur du ciel. 
Le matin,  un petit triporteur conduit par un vieux type à la peau lisse et ridée, chargé d'une montagne de tomates, pétarade dans la rue, ça te réveille et tu te rendors. 
La maison n'est sans doute pas en bois, mais elle est blanchie à la chaux et les volets sont bleus. Je crois. 
Plus tard, tu te lèves, tu as mis ton sarong qui cache les lourds bijoux de ton sexe, tu fais un café et tu manges du pain un peu rassis de la veille. La maison est silencieuse. Ils dorment. Doucement, elle sort de votre chambre. Vous avez fait l'amour. Ses yeux sont encore flous. Plus tard encore, les enfants bondissent, ils ont faim. C'est le matin. "Daddy, Daddy, Daddy...". Qu'allez-vous faire aujourd'hui ? 
Tu es là-bas et je suis ici. Je me souviens. Ton désir a fait ouvrir ma bouche, pleurer mon sexe, bander mes seins. Mon désir a fait dresser ta queue, serrer mes jambes, jaillir ton râle et le mien. 
Et nos mots. Nos mots, nos mots sans fin. Tu m'as dit: " tu es pire que moi!". La même façon de raconter nos histoires en prenant tous les détours qui mènent à Rome. 
Regarder les étoiles allongés sur la chaise longue de ta terrasse. 
Chez moi, je ne vois jamais les étoiles. Il ne fait jamais nuit. Je vois le ventre blanc des goélands, éclairs de vols. 

mercredi 15 juin 2016

La rousse au chocolat



Elle est belle. Elle est nue. Elle est rousse et blanche. Elle a la bouche rouge et les yeux couleur d’eau.  Elle a un corps de tanagra aurait dit ma grand-mère… Elle est au grand soleil, dans cette prairie tranquille. Elle est libre. Il est brun, il est sombre et rieur. Elle lui a tourné le dos.  Il s’approche d’elle et commence le ballet de ses deux petits martinets. Ses poignets volent.  Elle rosit doucement. Il lui met les deux mains derrière la tête d’un geste doux. Elle est debout, son corps fait un petit X dans la lumière. Elle ne frémit pas. Elle rosit.
Un martinet plus lourd rentre dans la danse. Sa peau frissonne à peine. Il passe devant elle et frappe ses seins. Elle commence à se tordre un peu. La pointe de ses seins est érigée. Son dos s’arrondit pour éviter les coups. Il sourit. Elle aussi.
Les serpents de cuir sont dans l’herbe. Il attrape les deux chats à neuf queues et lui en caresse le dos. Il s’éloigne d’un mètre ou deux et le ballet de ses poignets reprend. Les huit se font rapides.  Elle vibre. Elle frissonne. Ses petits pieds entament des pas hésitants, à droite, à gauche. Ses fesses parfaites sont rose vif. Un coup de soleil.  Son dos marque quelques pâles zébrures. Il s’approche d’elle, attrape vivement ses courts cheveux d’un geste dur et tendre qui lui fait tordre le cou et regarder le ciel d’un bleu impitoyable. Il sourit.  Il passe devant elle et le cuir touche son ventre plat. Remonte vers sa poitrine. Elle se fait anguille, couvre ses seins de ses deux mains, vierge farouche ? Elle dit peut-être quelque chose. C’est si bas que je ne l’entends pas. Ils se sourient.
Le fouet claque brutalement tout près de son oreille. Je sursaute. Elle aussi. Le fouet passe devant ses yeux, caresse ses omoplates, ses épaules et ses seins. Et claque. Et siffle doucement. Ils sont deux. Ils sont trois. Ils sont quatre. Ils sont lui et ses fouets. Et elle. Et ils sont deux. Elle est lisse comme le cuir, peau à peau. Il la prend dans ses bras, tout contre, et les fouets les enroulent ensemble quand il vient frapper ses flancs tendres.  L’un puis l’autre, puis l’un puis l’autre. Il l’empêche de s’enfuir, ballet hypnotique.  
Il la lâche, il s’éloigne. Elle veut fuir loin et elle ne veut pas. Elle voudrait supplier et ne le veut pas. Elle veut être vaincue, mais elle veut vaincre. Elle chancelle un peu, ses pieds bougent, malgré elle peut-être, dans l’herbe. Elle s’enfuit tout près du fouet qui  dessine sur son dos de jolies boursoufflures en damier.  Il frappe aussi les fesses, cingle le haut des cuisses. Il va et vient sans beaucoup de répit.
Elle tombe à quatre pattes, et file, file, et lui la suit et derrière fouette,  fouette son dos. Son sexe, ses fesses, ses seins, ses cuisses, ses genoux, ses mains  courent sur l’herbe. Elle est belle. Je crois voir une perle qui glisse le long de sa fente.  Elle revient au bercail, au centre de la prairie. Ses mains quittent le sol. Elle n’est plus à quatre pattes. Elle est à genoux. Il la relève. Il recommence. Elle est debout. Mains derrière la nuque. Elle se met dans la position de ceux qui viennent de faire un effort violent et reprennent leur souffle. Debout, penchée en avant, mains sur les genoux. Elle reprend son souffle. Debout de nouveau, mains derrière la nuque. Elle retombe à genoux, ses mains dans l’herbe dont elle arrache quelques brins et en met un à sa bouche. Elle chantonne.  Elle ouvre et ferme ses mains et ses petits ongles rouges tambourinent sur ses cuisses à chaque coup reçu. Quelques menus cris. Il s’arrête. Recommence. Elle s’allonge, ventre nu contre le sol. Il la fouette à terre, serpent à serpent.  Ils se sourient. Elle se relève encore… Et encore le serpent siffle.
Ses yeux d’eau rient et ne rient plus. Ses yeux sombres la guettent. Longtemps.

Un petit jus de pamplemousse pour se remettre ? 

« Dans la salle d’attente de la gare de Nantes
J’attends…
Une jolie p’tite rousse qui s’tape une mousse au chocolat… »
Jacques Higelin.   

mercredi 6 avril 2016

Ton cul

J'aime ton cul. J'aime le regarder, le toucher, le sentir à travers ton jean. J'aime le voir, tu as un beau cul de mâle. J'aime caresser ta peau, j'aime attraper tes fesses à pleines mains, y enfoncer mes ongles, les claquer doux et fort, les faire rosir, y laisser mes marques, la marque de mes dents et de mes baisers. J'aime ta coquetterie, tes plugs et tes strings en mat ou en dentelle, en noir ou en gris, le cockring autour de ton sexe glabre. J'aime lécher tes couilles, remonter, laper, aller chercher avec mon nez, et glisser ma langue sur ton étoile, tu gémis, glisser ma langue dans ton anus et te faire bander. J'aime mon premier doigt en toi, mon deuxième, tu gémis, tu te penches, tu te cambres comme une fille, tu fermes les yeux... Tu te donnes, tu t'abandonnes comme on le dit d'une femme. Face à toi, nous ne nous quittons pas des yeux, je te pénètre, je rentre en toi. Un doigt, deux, trois... Quatre, cinq... Sentir ton cul qui s'ouvre, s'ouvre et vient et se tend et si tendre, si doux, si chaud à l'intérieur... Mon sexe dégouline. Pour quelques minutes, ton cul est à moi. Je suis dans ton cul, dans tes yeux, dans ton sexe. Mon poing fermé s'ouvre et se referme doucement en toi et je prends ton sexe dans ma bouche. J'aime ton regard qui se perd. J'aime ce qui sort malgré toi de ta gorge, ta respiration, tes aspirations. Mon poing bien au fond, dans le moelleux de tes tripes, ma bouche va de ton sexe à ta bouche, à ton sexe... Nos salives, nos humeurs se mêlent. Ta main pince mes seins, ta main me prend, je sens tes doigts, le plaisir est fulgurant, fontaine, tu recueilles mon eau. Je recueille ton sperme, sucré, salé. J'aime ton goût. J'aime ton cul. C'est ton style.





Un homme doux

Cela fait des mois qu'on se court après... Nos emplois du temps respectifs, nos obligations nous ont empêché de passer un peu de temps précieux ensemble. Nous y arrivons enfin ce samedi matin, où il passe à la maison vers 10H... Il est ponctuel et charmant. Il m'apporte mon portrait, un joli nu fait il y a des mois, je porte un plâtre et des béquilles. C'était ce fameux été 2014 où je me suis cassée en mille morceaux, au propre comme au figuré... Nous avons une relation confiante et amicale, teintée d'un érotisme qui est passé à l'acte une ou deux fois, l'occasion a fait les larrons de ces instants volés. C'est un homme doux, respectueux, un peu malheureux dans son couple, mais plein d'énergie, de désirs, de joie de vivre, d'envies inassouvies, qui sont là sous-jacentes, mais jamais pesantes. Il arrive, on s'installe et on parle, je parle, je parle, de cet hiver écoulé, aux températures trop clémentes et qui me fut si rude. On s'assoit par terre, pieds nus. Il prend mon pied dans sa main douce, me fait une caresse légère. je crois qu'il suffirait de pas grand-chose pour que... Mais non. L'humeur est à la confidence, à la tendresse, au papotage, au partage je crois.
Il repart en début d'après-midi vers ses affaires, toujours un peu pressé, toujours un truc à faire, un enfant à aller chercher quelque part, une course, une bouffe, un horaire...
Il m'envoie un petit texto : "On n'a pas baisé, mais c'était une jolie matinée!".
Merci l'ami!  

dimanche 13 mars 2016

L'Erythréen

Dans ce petit groupe d'étrangers nouvellement arrivés sur notre sol, il est là. Il est grand, mince, il a les traits d'un prince, il ressemble à Haïlé Sélassié, il a la beauté du pharaon. Il parle à peine notre langue. Il est Erythréen. C'est où l'Erythrée ? Il dit, il raconte calmement, et avec quelques mots on comprend tout. Il a fui son pays. Il est passé par le Soudan. Il a marché, presque sans manger, 11 nuits dans le désert, il se cachait et dormait dans la journée. Il a traversé la Lybie. Il a donné 5000 dollars à des passeurs... 5000 dollars. Il est arrivé en Italie. Il a passé un mois dans les rues. Il se cachait dans les parcs des villes. Il a passé la frontière pour la France. Il est allé jusqu'à Paris. Il dormait encore dehors. De là, par quels chemins mystérieux a-t-il retrouvé d'autres Erythréens hébergés dans un foyer à Port-de-Bouc, à 30 km de Marseille?  Et le voilà ici, dans ce centre de formation... Il a 24 ou 25 ans. Il a laissé toute sa famille là-bas. Ses parents, ses frères et soeurs plus jeunes.  L'Erythrée est un des pays les plus pauvres du monde et sa dictature est digne de celle de la Corée du Nord. Les jeunes gens fuient l'enfer, la guerre et la misère par milliers. Ont-ils d'autres choix ?
Il s'appelle Zacharias.Bon vent à toi.

La passionnante émission d'Arte "Le dessous des cartes", disponible jusqu'en mai 2016, vous en dira un peu plus sur ce pays en quelques précieuses minutes...
http://www.arte.tv/guide/fr/060139-013-A/le-dessous-des-cartes?autoplay=1

dimanche 17 janvier 2016

Intranquillité

Tu m'as dit "il va falloir faire quelque chose de cet appartement."
Je viens d'en terminer la transformation. Je suis assez contente du résultat et fière d'y être parvenue. Ca m'a demandé du travail, de l'argent, de la confiance. Ce grand mur bleu, cette deuxième chambre, celle-là même que j'ai voulu pendant 9 ans, cette salle de bain enfin terminée, ce sol plus clean, ce grand tapis de corde qui cache la misère du plancher dévasté par l'eau et jamais réparé. Quelques plinthes sur les bas de murs que tu as abattus mais jamais terminés. Cette maison jamais finie. Elle est juste un peu plus finie.
Oui. Cet appartement t'appartient autant qu'à moi et je te dois d'y vivre. C'est un luxe t'ai-je dit. C'est vrai, c'est un luxe. Le coût de revient de cet espace est tel que seule, je ne saurais le supporter.
J'y vis au milieu de nous, de notre décor, de tes affaires.
Tu es parti sans partir vraiment. Est-ce grave de ne pas tout rompre ? Est-ce grave de garder deux pieds dans deux sabots? Je ne sais pas comment tu vis, quelle est ta place chez elle.
Reproductions. Reproduisons-nous le couple de mes parents, toujours si proches après 30 ans de séparation? Reproduis-tu le couple de ta mère et de celui qui n'a finalement que très peu partagé sa vie pendant si longtemps, ta brosse à dent prête à prendre la fuite? Ni tout à fait l'un, ni tout à fait l'autre sans doute...
Je comprends bien que tu aies besoin de penser à un lieu pour toi. "A room of one's own", c'est le titre d'un roman de Virginia Woolf.
Depuis ton départ, je vis comme l'oiseau sur la branche. Cet appartement nous appartient à tous les deux, toutes tes affaires y sont encore, de tes dessins d'étudiant aux souvenirs de ton père, de tes bouquins à tes disques, de tes meubles de famille aux photos de l'enfance, jusqu'à tes chaussures et tes vieux t-shirts.
C'est drôle. Au début, c'était comme si rien ne s'était passé, comme si tu allais rentrer le week-end prochain, comme d'habitude quoi... Je suis passée par différentes phases, accablement, agacement, amusement, et puis, je m'y suis faite.
Je me suis demandé très souvent non pas si, mais quand nous allions aborder la question.
Quels que seraient tes projets, t'installer en couple dans un nouvel endroit, partir sur ton bateau, ou, comme tu l'as évoqué, avoir un lieu à toi, je savais que ça viendrait.
Vois-tu, depuis 4 ans, je vis des temps intranquilles, des temps de précarité, des temps de tentatives avortées, de désillusions, de peur de l'avenir, de peur de la vieillesse (d'une vieillesse chiche qui plus est...) et de la solitude.
Changer de maison, ça voudra dire aussi la fin de cet entre-deux entre nous deux, qui finalement me convient bien... Gardienne du temple un peu tu vois, de cet appartement familial, de ce lieu où comme dans la salle d'attente de la gare de Nantes, j'attends le retour du printemps...