lundi 22 septembre 2014

Naviguer et faire l'amour



Elle m’envoie un mail. Elle sera à Marseille la semaine prochaine, pour le week-end. Suis-je libre ? Peut-être pourrait-on se rencontrer ? Elle ne sera pas seule. Elle vient avec son amant. Ils ont loué un bateau. Je la connais par son blog. Nous nous suivons ainsi, elle est attentive, laisse souvent des commentaires très amicaux.
Nous nous retrouvons ce vendredi soir sur le Vieux-Port. Le ponton, le bateau, la douceur du soir. Nous nous regardons, nous nous retrouvons. Retrouver c’est le mot. Comme de vieux amis, complices, tendres presque, Pierre et Lucile. On ne se serait pas vus depuis longtemps, on aurait des tas de trucs à se raconter, se donner des nouvelles, nos jobs, nos enfants, nos vies… L’apéro passe vite, comme le repas délicieux en terrasse dans l’air tiède et bruyant du restaurant bondé du dernier soir de l’été.  Elle est jolie, brune, vive, des yeux clairs et rieurs, il est charmant, bavard et gai,  ravis tous deux d’être là, de cette escapade clandestine, ravis des odeurs du port, des gabians qui volent et crient au-dessus de nos têtes, de la grande pizza aux anchois, des artichauts et des supions à l’ail, du vin des Côteaux d’Aix…  
Il est minuit. « Tu nous rejoins demain ? ». Non, ce samedi, j’ai des engagements, mais dimanche peut-être…   
Dimanche, je prends la navette pour les îles du Frioul où ils ont mouillé pour la nuit. Il est tôt, mais il fait si beau. La navette est déjà pleine, touristes et locaux papotent, échangent sur les Journées du Patrimoine, les balades et les bons plans, elle prend de la vitesse et la fraîcheur de l’air me fait tressaillir.  Il m’attend sur la petite plage avec l’annexe et nous ramons ensemble pour la rejoindre au bateau, posé dans cette petite calanque calme. L’eau est si claire, si douce, plongeon dans la Méditerranée, on sort de l’eau, on se rince en frissonnant un peu, on mange quelques navettes à la fleur d’oranger. On hisse la grand-voile et nous voila dans la pétole au large, clapotant tranquillement au milieu des magnifiques bêtes de course de la Juris Cup, affûtées pour prendre le moindre souffle dans leurs voiles noires en Kevlar. Les équipages en uniforme virent de bord avec grâce.
Nous traversons la rade et allons nous poser en face des calanques, derrière l’Ile Maire, au creux accueillant de l’Ile de Jarre pour manger des pâtes vaillamment cuites par Pierre sur le réchaud asthmatique. Nos mots s’apaisent, c’est l’heure de la sieste, je m’assoupis sur le pont pendant qu’il la caresse et je me réveille pour voir ses doigts à lui, plein des fragrances mystérieuses qu’il lui fait lécher…
Au retour, le vent nous porte, on fait le tour du Château d’If, lumière sublime, ocre beige des pierres, silhouettes des visiteurs en ombre chinoise, la ville embrumée de chaleur, majestueuse au loin, Notre Dame de la Garde qui veille, voiles et petits bateaux à moteur, plaisanciers, pêcheurs et ski nautique.
Retour au port, balade magique, pureté du ciel redevenu bleu, limpide, coucher rose et rouge du soleil,  un mojito au bar, on continue de se raconter nos histoires… On arrive dans ma maison perchée, c’est beau une ville la nuit.
Après le repas simplement fait, partagé, petit rouge de derrière mes fagots, discussion vive et un peu émue, féminisme, sexualité, couples, les hommes, les femmes, souvenirs et traumas, joies et peines, après le repas, la douche et après la douche…
Nus et humides nous nous rejoignons dans ma chambre. Trois. C’est tendre et attentif, délicieux et doux, intense et presque brutal, complice et serein, libre et jouissif.

J’ai un beau coup de soleil sur le nez. Revenez quand vous voulez.