mardi 30 décembre 2014

Hammam

Hiver. Le Mistral glacial gerce la mer d'une flottille serrée de moutons blancs. Les oreilles et les nez rougissent, les corps se raidissent sous leurs pelures d'oignon, bottes plates et grosses chaussettes, jean épais, gants et écharpes, pulls et manteaux longs nous enserrent de leurs épaisseurs.
Dans mon quartier arabe du coeur de ville, encore sale et mal peigné comme Marseille sait l'être, il y a un hammam algérien traditionnel réservé aux femmes. J'aime aller me couler dans 45° quand dehors, les rats de nos canalisations éventrées n'osent même plus sortir de leurs trous la nuit tant il fait froid.
Dans ces rues du ventre de Marseille, il y a des coiffeurs africains, des réparateurs de scooters qui travaillent à même le trottoir, d'improbables "heddistes" ("ceux qui tiennent le mur") qui discutent, des petits trafiquants de clopes qui s'avancent vers toi les mains pleines de Marlboro et de Winston de contrebande, un marché de fruits et légumes où tout est à 1 ou 2 € le kilo, des épiceries d'Ali Baba et derrière une façade neutre à peine reconnaissable, sans enseigne, le Hammam. Porte fermée à double tour, il faut connaitre et il faut sonner. Une jeune femme vient entrouvrir précautionneusement et s'efface pour nous laisser entrer... J'y vais entre filles, avec ma soeur, ma fille, ma mère ou une copine... 
Entrer, choisir comme on ouvre une boite de chocolat, un hammam et un gommage, une épilation à la traditionnelle pâte de sucre/citron, un massage à l'argile ou aux huiles essentielles, un henné neutre ou rouge... 
Passer dans le grand salon rectangulaire, tapis et divans bas enveloppés de belles toiles de couleur, il fait déjà sombre et doux, se déshabiller, s'envelopper d'un paréo, prendre une serviette, un shampoing, un baume pour les cheveux, et descendre au hammam. Pousser la porte en bois, et entrer dans la chaleur. Une première pièce avec deux tables de pierre pour les gommages et les massages, là, prendre un petit tabouret et une petite bassine en plastique rouge, pénétrer dans la grande pièce voutée, à peine éclairée, élégamment revêtue de Pierre de Cassis beige pâle. Tout au long des deux côtés, de petites vasques en pierre sculptée, sans bonde, que l'on remplit à sa guise grâce aux deux robinets d'eau brûlante et d'eau froide. Poser le tabouret, s'asseoir, attendre quelques instants d'avoir très chaud, puis s'asperger d'eau à l'aide de la petite bassine. Il n' y a pas de vapeur ici, ni de piscine, juste la chaleur. Se passer la peau au savon noir et gluant que l'on t'a remis dans son petit pot, se le passer mutuellement dans le dos. S'étendre sur l'autel de pierre chaude au fond de la pièce et rêvasser. Entendre les murmures des petits groupes de femmes qui sont là, humides et nues, entre elles, sans jugement, tranquilles... Les observer. Deux jeunes et jolies filles, minces et encore bronzées, brunes, cheveux longs,  petits seins pointus, joli dos, jambes minces... Plus loin, elles sont quatre et leurs rondeurs m'émeuvent plus que les corps un peu secs des deux premières. Cuisses pleines, hanches grasses et voluptueuses, seins lourds, bras ronds, mollets charnus, ventre souple et blanc. Envie de caresser ces courbes féminines et tendres.


Et puis, la dame fait un signe. Gommage. C'est mon tour.  Il y a toujours une officiante qui travaille là, dans cette étuve, à peine revêtue d'une robe de coton informe, légère et mouillée et qui gomme et qui masse... Souvent silencieuse, je ne connais pas celle-là. Elle ne parle pas français. Elle a un certain âge, elle est petite et ronde. Elle m'allonge sur le ventre sur la dure table de pierre et commence le rituel. Sa ferme main gantée commence par mes bras, mes épaules, mon dos, mes fesses. Sans ménagement mais avec gentillesse, elle écarte mes jambes et frotte l'intérieur de mes cuisses, le creux de mes genoux, mes mollets, mes chevilles, mes pieds. Ma peau chauffe.Tout est frotté, récuré, les vilaines peaux mortes, les toxines accumulées forment de petites boulettes marron, et moi je me sens rajeunir. Elle me retourne, le haut du buste, le tour de mes seins, mes flancs, mon ventre, les plis de l'aine, cuisses, genoux, jambes encore et encore... Coup de pied et talons y passent aussi. Elle me fait asseoir et frotte mon cou jusqu'aux oreilles, jusqu'au menton.... C'est fini. Je la remercie d'un grand sourire, saute au bas de la table pendant qu'elle la lave en y jetant un grand seau d'eau qui balaie mes miasmes. Je passe sous la douche et l'eau me purifie de mes dernières scories. Ma peau rosie respire un air nouveau. 
 

Retourner dans la grande salle, se laver les cheveux et les rincer avec la petite bassine, être propre comme un sou neuf disait ma grand-mère.
C'est l'heure de partir. Echanger quelques sourires, sortir encore humide de la pièce si chaude et frisonner dans l'escalier pour remonter dans le grand salon où l'on nous sert un verre de thé à la menthe et une baklawa. Se rhabiller, gestes lents et un peu cotonneux. Sécher ses cheveux, le bruit électrique en devient agressif. Remettre chaussures, manteau et gants et quitter ce paradis féminin pour les rues grises et froides et bruyantes. Vite rentrer et se remettre dans un cocon moelleux.

lundi 22 décembre 2014

Let the good time roll !



 « Les Fêtes »… 
Haaaaa ! "Les Fêtes"…
Réunions diverses, drames qui ressurgissent, famille je vous haisme, personnes qui nous manquent, d’autres qui nous envahissent… Blessures anciennes ou récentes ravivées, trous béants dans nos tissus affectifs, émotions, regrets, souvenirs doux et enfuis, enfance si proche et si lointaine, temps qui passe et qui s’étrangle…  
Quand j’étais en couple, il y a quelques années, après un Noël particulièrement éprouvant, paroxystique et larmoyant, nous avions décidé de partir à cette période de l’année. Du coup, Madrid, la Côte Basque, les Guggenheim de Bilbao et de New York nous avaient enchantés. En balade,  nous avions fêté Noël avec délectation, des Noël urbains, but far from the madding crowd…  
Play/Blessures...
Cette année, mon beau-père ne viendra pas, trop compliqué, trop vieux, trop fragile et en sourd conflit avec mon père, invité aussi. Ces deux-là aiment, ont aimé la même femme, ma mère, et les blessures de leur rivalité – elle a pourtant choisi le second il y a plus de 30 ans - sont encore vives. Ils ont 86 et 91 ans… Elle 81… Je pensais naïvement que le temps aidant, les choses se seraient tassées, d’autant que nous avons déjà eu des rassemblements familiaux apaisés en d’autres occasions. Mais non. Les cicatrices sont encore à vif. Et la sagesse est un but à atteindre longtemps, longtemps... Tant mieux ? 
Ma sœur viendra seule, en plein psychodrame de divorce avec son mari. Je ne veux pas de lui chez moi. Il lui fait trop de mal. Je ne veux pas mentir, faire semblant, être chaleureuse et donner un cadeau…Je prends position résolument pour elle. Ma petite soeur. C'est tout.
Mon désormais ex s’est tiré un mois au Cambodge avec sa nouvelle amie et c’est con, mais ça me fait mal. Une sorte de bleu sur lequel on appuie. 
La blessure que M m’a faite est récente et vive. Beaucoup (trop) de choses me ramènent encore à lui, à ce cocon fragile dans lequel j'avais choisi de me réfugier. La voix chaude de Lavilliers, la Grande Roue plantée sur le Vieux Port, un couple enlacé dans la ville, un vieux blue-jean, la teinte de mon vernis à ongles… Petits et légers coups de rasoir, de ces infimes coupures que l’on sent à peine, mais qui saignent et vous piquent pendant les heures qui suivent…
Et puis faire à manger pour tout le monde devient compliqué par ces temps frileux et allergiques.  Une végétarienne, deux sans gluten, une sans produits laitiers… Pfffffff…. ! Heureusement qu’on n’est pas plus nombreux !
Alors cette année, ce sera un Noël petits bras, petits cadeaux, petit comité, mais j’espère de l’amour, de la compréhension, de l'attention, des regards et des chaleurs...
Let the good time roll !

samedi 13 décembre 2014

Naaaaan! Mais j'hallucine!

Alors voila. Celles et ceux qui me suivent, ou qui ont flâné sur mes pages, se rappelleront peut-être (fut-ce vaguement, je ne suis pas jalouse) de mes posts de novembre 2011 qui parlent de mes premiers pas de danse au bien connu GBDL, le Grand Bal des Débutantes en Libertinage. Marie Tro m'a d'ailleurs beaucoup amusée avec  son petit bordel de lettres qui m'a rappelé Le jour où je me suis jetée à l'eau ... 
Temps humides et chauds.
Changement climatique oblige, c'est de l'histoire un peu ancienne maintenant.
Justement.
L'autre jour, en me connectant ( Bon allez! J'avoue! Comme tous les jours... Oui. Je sais. Vous allez être déçus. Je suis très mainstream finalement... ) sur mon compte Facebook, qui est bien sûr édité avec mon identité réelle, quelle ne fut ma surprise (mais alors vraiment ma surprise!) de voir parmi ces agaçantes suggestions d'"amis" ce mec-là.
Ce mec que j'ai rencontré il y a environ 5 ans, enroulée dans un paréo et lui dans sa petite serviette, assez beau gosse et bien foutu... Nous entamâmes alors joyeusement des activités ma foi assez sportives auxquels se joignaient  parfois quelques camarades... Nous nous contactions par texto, nous nous donnions rendez-vous directement sur zone, et nous n'allions même pas boire un verre au bistrot après... C'est dire la nature romantique de cette relation qui a duré quelques mois, en 2009 je crois,  jusqu'à ce que nous nous perdions totalement de vue. Je ne l'ai recroisé qu'une seule fois il y a environ deux ans,  dans un de ces lieux de perdition où j'arrivais accompagnée, tandis que lui partait... Il s'était légèrement empâté.

Eh ben cinq ans après, Facebook me le propose comme "ami". Tsé, le truc "Vous connaissez peut-être...". Le mec, il est en famille, avec sa femme et ses gosses en vacances, enfin tu vois le genre quoi.
Mais comment ce p... de b... de logiciel, de courbes et de calculs surpuissants sait-il que j'ai baisé 7 ou 8 fois avec E.G. il y a cinq ans (et encore, en général, il faisait sombre et on n'était pas tout seuls, c'est l'Oeil de Caïn ou quoi ce truc ?),  et pourquoi, oui, mais POURQUOI veut-il qu'on soit amis aujourd'hui ?

CUI, toi qui parles à l'oreille des machines, au secours!

IL S'APPELLE Harwell Dekatron. Ou WITCH, pour Wolverhampton Instrument for Teaching Computing from Harwell. Il s’agit du plus vieil ordinateur du monde. Entré en service en avril 1951 et hors service depuis cinquante-cinq ans, il a été redémarré publiquement très récemment  après plus de deux ans de restauration. A l'époque, il faisait une multiplication en une demie-heure. Un peu comme moi, quoi...




Le plus vieil ordinateur du monde pèse deux tonnes et demi. Geoffrey Robinson / Rex/REX/SIPA

PS : Pour ceux que ces questions intéressent, je conseille vivement de regarder, en accès libre sur Youtube,  l'excellent documentaire de Philippe Borrel, co-produit par Arte,  "Un monde sans humains". Ca fait froid dans le dos, mais on ne pourra pas dire qu'on ne savait pas....


samedi 22 novembre 2014

Danse ma fille, danse!

J'arrive un peu essoufflée, je suis légèrement en retard. C'est le moment du rituel, des années de rituel. Des années que je suis l'enseignement d'Elsa W., maîtresse de la danse africaine. Des années que de stages en week-ends, de Paris à Marseille, en Auvergne, comme des dizaines d'entre nous, passés par là, qui nous connaissons, qui nous reconnaissons, des années que je cours au rituel, des années que c'est mon bol d'air, ma respiration.
Assise, son bâton à la main, elle est là, énorme et belle pourtant, un peu gourou, un peu sorcière, extraordinaire. Je l'embrasse, sa peau est douce et élastique. Sa voix forte et profonde, ses mains puissantes, son accent, son regard qu'on dirait lourd et qui est aiguisé sur nos corps. Elle sait la joie et la douleur, la vie et la mort. Elle sait le corps et elle sait l'âme.
Tous assis, en vrac. Le sternum d'abord. Chauffer doucement, réveiller le corps, onduler, tranquille.
Sentir le bassin, le pubis, les lombaires, remonter, les omoplates, les épaules, la nuque, chauffer...
Se lever. Il est là, percussionniste hors pair qui va nous accompagner tous et chacun pendant ces deux ou trois heures, être avec nous, en nous, autour de nous.
Frappe, frappe, pose. Pas de lourdeur. Je ne veux pas entendre vos pieds. Pas de poids. Frappe, frappe, pose. Plus vite. Le sternum accompagne. Les bras se lèvent. Frappe, frappe, pose. Lève les genoux, lève-les haut, sinon tu vas te faire mal. C'est vrai. Tu lèves les genoux et tout d'un coup, tu te sens légère, légère, alors tu vas de plus en plus vite.
Les danses sont toujours les mêmes, il n'y a pas de miroir, il n'y a pas de niveau, danseurs professionnels, amateurs aguerris, débutants, jeunes, vieux, enfants. c'est le rituel.... Les parents amènent parfois un bébé qui dort profondément, blotti dans les bras d'Elsa, à 50 cm des percussions, les petits vont et viennent, jouent dans un coin, indifférents aux adultes agités. Aujourd'hui, il y avait deux petits garçons d'une dizaine d'années qui dansaient.
La Danse de Chasse, Kaki Lambé, la Sortie de Case, Trois Pas, le Mur...Je connais les danses, mais j'apprends toujours sur moi, sur mon corps, sur ma résistance, sur mon désir de vivre ça, de le vivre encore longtemps. J'ai pleuré de jouissance, une fois, une seule fois dans ma vie. Quand je danse, parfois je pleure, d'autres pleurent aussi, Elsa est une sorcière. L'émotion sort du corps sans passer par la tête. Les humeurs aussi. Transpiration qui colle les cheveux et tord les t-shirts, souffle court, reprends-toi, coeur au bord, calme, respire, morve, larmes... Encore. Saute encore pour reculer, pour avancer, sens le rythme, sois juste là, écoute, sens, vis, bouge.
Danse ma fille, danse! 



dimanche 16 novembre 2014

Une jolie brune.


Previously on ze story...
Alors, elle et moi, on avait monté un petit plan pour confondre l'infâââââme.
Ca n'a pas marché. Je ne suis pas assez menteuse sans doute.
Mais j'avais ourdi l'histoire ratée via Internet (what else ?). Et du coup j'ai fait des rencontres.
Et j'ai rencontré cet homme très rapidement.
Un coup de fil, un rendez-vous, un verre dans un aimable bar à vin.
Mince, avenant, yeux et cheveux clairs, plutôt joli garçon.
Compte tenu des circonstances dans lesquels nous nous rencontrons, les présentations se passent de fioritures. Et très vite, cet homme ordinaire, assez falot me confie qu'il aime se travestir. Comment ça a commencé, il y a longtemps avec son ancienne compagne, comment il a eu une relation explosive avec une femme que cela excitait au plus haut point, comment il devient une femme, comment il entre dans cette peau là, qui lui colle à la peau. Il est bisexuel, penchant hétéro. Il  a aussi eu des relations "normales" au sein desquelles ces désirs là restaient enfermés à double tour...
Quelques jours plus tard, elle m'attend chez elle. Elle s'appelle Magally, c'est son nom de théâtre, son nom de fille.
La porte est entrouverte. Je rentre. Je m'installe sur un fauteuil dans le crépuscule éclairé de quelques bougies. Une play list agréable et anodine, genre Buddha Bar. Des sex toys sont posés sur la table basse. Elle sort de la salle de bain. Elle est très brune. Je l'avais imaginé blonde. Elle porte un corset et des cuissardes.Elle s'approche en se dandinant un peu.
Elle me dit bonsoir d'une voix de fausset. La taille serrée dans le vinyle, elle a un joli cul pour un mec.
On a passé quelques heures entre homme et femme, femme et femme, soumise et maîtresse, fantasme et réalité, sexe dur, sexe mou, sexe flou, sexe.
Je ne sais pas si je recommencerai. Mais il y a de la demande!

jeudi 23 octobre 2014

Eaux troubles...

Samedi dernier, je vais dans une soirée privée BDSM... Ben voui. On se refait pas! J'y vais seule, je connais les hôtes, ça ne pose pas de problème.

La maison est dans un coin reculé d'une forêt domaniale de l'arrière pays. Ca sent la châtaigne et les champignons, les sangliers ne sont jamais loin...
Une grande maison bourgeoise, une superbe piscine.
Le donjon est en bas, très bien "équipé"... Tout y est ou presque de ce qui fait fantasmer sur cet univers.
Croix de Saint-André, sling, tables et sièges divers et variés dont je vous laisse deviner l'usage, liens, cordes, martinets, paddles, cages... Je renvoie le lecteur (la lectrice) non averti(e) à son petit guide "le BDSM pour les Nuls", bible de chevet bien sûr! (Evitez cependant Fifty shades of Grey, vous me feriez plaisir...).

Je sors de la mer, je suis toute salée, il fait si beau. C'est l'été indien. Douche rapide, je m'habille en noir, dress code oblige, mais sobrement. Veste en cuir sur débardeur, jupe courte de punkette, escarpins vertigineux, des bas noirs gainent mes jambes allongées (j'ai pris 12 cm, je vois la vie différemment!). Rien de très marqué. Je pourrais sortir en ville ainsi, n'était la jupe un peu trop courte.
Les codes de ce tout petit milieu sont très particuliers  Suis-je soumise sans collier ? Suis-je Maîtresse sans soumis? Je ne dis rien. Je suis Marie. Je sirote mon champagne sur la terrasse en regardant les gens arriver. Il y a de tout, un peu. Une très jeune fille, la petite vingtaine, minuscule et jolie, petite soumise éplorée, son "Maitre" est là avec une autre, un soumis hâbleur, parisien désenchanté, des couples de tous genres, de tous âges... Laids, gros, vieux, jeunes, banals ou plus intéressants. J'observe. Il y a entre 30 et 40 personnes.
Nous sommes deux femmes seules. Elle, une brune de la bonne cinquantaine, avenante, une Maîtresse s'affichant ainsi.
Elle me dit "Bonsoir Marie. Nous nous connaissons. Vous êtes seule ? J'ai connu votre ancien Maître. Peut-être vous rappelez-vous de moi, nous étions ensemble au dernier réveillon". Vague souvenir de l'avoir croisée en effet. Car M et moi avions passé le réveillon 2013 dans cet endroit hospitalier.
Evidemment, ça éveille ma curiosité... Eaux troubles.
Avant la fin de notre conversation, j'ai appris qu'elle avait été sa Maîtresse, dans les deux sens du terme, au moment que je croyais être un des endroits clé et importants de notre relation... Le moment où il a quitté sa femme et quand,  quelques semaines plus tard, il m'arrivait la même chose... Le moment où notre histoire est devenue ouverte, possible. Et ce n'est pas tant qu'il ait ces vraies tendances d'humiliation, de bi-sexualité honteuse et d'un certain masochisme qui me le rend étranger scandaleux. C'est le mensonge permanent, ses mensonges à moi, bien sûr, ses mensonges à elle (je suis exclusif, il n'y a personne d'autre, et hop! on baise sans capote!), ses mensonges à lui-même, ce ver de terre qui se tortille dans ses contradictions... On a fait copines toutes les deux, et ont germé quelques idées d'un retournement de situation. Mais ce sera pour plus tard....
Du coup, pleine d'une énergie insoupçonnée, je me suis retrouvée à fesser le blasé parisien avec un entrain qui m'en a fait mal aux mains. Le martinet ne fut pas plus tendre. Il a eu chaud au cul et il m'a dit merci... Défouloir.
Eaux troubles...
Et puis, lassée du parisien qui se prosterne à mes pieds, enlace mes chevilles, et m'empêche de marcher librement, c'est désagréable au bout d'un moment une haleine chaude sur le coup de pied, quand il a fini de lécher mes semelles (me concernant aucun intérêt érotique...), je le repousse et vais prendre l'air sur la terrasse pendant que le donjon s'anime de scènes diverses et variées... Bougies, fouets... La fête bat son plein.
J'entame une conversation qui va durer 24 heures avec un homme, très grand, massif, clair de peau, les yeux bleus délavés, sobrement vêtu d'une chemise et d'un pantalon noir. C'est un Maître, un homme de la terre,  arrivé par le hasard d'un déplacement familial sur ce bord de Méditerranée estival... Il m'explique. Il "pratique" depuis plus de 30 ans, BDSM old school, bien avant la mode, bien avant le porno chic, bien avant, quand c'était encore très secret, très mystérieux, très caché... On parle, on parle, on parle... Ma curiosité n'a pas de bornes. Il a des soumises, trois à la fois lui parait un bon équilibre, des couples soumis aussi... On prend la décision commune, spontanée,  de partager une chambre chez nos hôtes puisqu'il était prévu que nous y dormirions. C'est curieux. Je ne connaissais pas cet homme quelques heures auparavant. On ne fait pas l'amour. Il me touche. Il veut. Il cherche avec ses doigts à me faire jouir. A ce que je me rende. Je ne veux pas. Dans le secret de l'alcôve, il me met un collier, une laisse.  Le jeu dure... jusqu'au petit matin. Je le repousse. Je m'endors. Au réveil, on va faire un plongeon dans la piscine... On joue encore, on se séduit, mais je dis non, toujours. Je crois que je le déstabilise un peu. Il n'y a guère de rencontres spontanées dans son monde, surtout depuis Internet. "Un vrai Maître ne cherche pas, ne contacte pas. Il est contacté" me dit-il. Je le crois. Je le tutoie, l'appelle par son prénom (jamais au grand jamais un/e soumis/e ne tutoie un Maître...). Alors que dans mes jeux et mes aspirations, j'ai plutôt le profil de soumise, même si je joue aux deux. Switch! Et libertine qui plus est. Dans ce monde là, on ne baise pas, Monsieur, on ne baise pas. On prie...
On passe la journée ensemble, on va à la plage, puis on dîne à Saint-Raphaël... Il a une grosse moto et suit ma petite Clio anodine.C'est un homme agréable.
Je suis troublée par ce qu'il me raconte. Je ne suis pas sûre de relever ce défi là. C'est trop d'abnégation. Mais les plaisirs entrevus sont immenses. Je le sais pour avoir quelquefois touché les étoiles.
Drôle de week-end...
Eaux troubles...

dimanche 12 octobre 2014

Pleurer et faire l'amour

Ainsi donc, tout est consommé. Cette histoire est terminée, et de vilaine façon. L'homme est un goujat. Dont acte. Les hommes sont-ils tous lâches ? Et les femmes des coquettes ? Tant qu'on y est, les noirs sont de grands enfants et les chinois sont fourbes... Non. Bien sûr que non. Mais lui, oui.
Je l'ai pris en pleine gueule, stupeur et tremblement, mal au crâne et incompréhension, déception ultime.
Tout me revient, notre histoire et mon autre rupture. Voila. Ca y est. Pour la première fois depuis 30 ans je suis seule. Pas dans le cocon protecteur, destructeur, menteur, doux, apaisant, violent du couple.
Et je pleure. Et je ne pleure plus. Et je pleure. Et je ne dors plus. Et je dors. Et je me regarde dans la glace. Et je ne me regarde plus. Et j'ai peur. Et je n'ai plus peur...
Et je fais l'amour. Avec lui, si lointain et si proche. Avec l'autre, rencontré brièvement, que je vais retrouver. Avec un autre encore, si... Besoin de m'enfuir, besoin de m'enfouir, besoin de leurs peaux et de leur trouble et de leur plaisir.
Envie de dormir dans des draps partagés. Besoin de réveils avec deux cafés. Mais c'est prématuré.
Envie de revivre ces instants la. Mais c'est prématuré.
Qu'est-ce que tu voudrais vraiment ?  me dit cette amie. Tu veux un homme ou tu veux des hommes ? Ben je sais pas. Pour l'instant, ça sera des.


lundi 22 septembre 2014

Naviguer et faire l'amour



Elle m’envoie un mail. Elle sera à Marseille la semaine prochaine, pour le week-end. Suis-je libre ? Peut-être pourrait-on se rencontrer ? Elle ne sera pas seule. Elle vient avec son amant. Ils ont loué un bateau. Je la connais par son blog. Nous nous suivons ainsi, elle est attentive, laisse souvent des commentaires très amicaux.
Nous nous retrouvons ce vendredi soir sur le Vieux-Port. Le ponton, le bateau, la douceur du soir. Nous nous regardons, nous nous retrouvons. Retrouver c’est le mot. Comme de vieux amis, complices, tendres presque, Pierre et Lucile. On ne se serait pas vus depuis longtemps, on aurait des tas de trucs à se raconter, se donner des nouvelles, nos jobs, nos enfants, nos vies… L’apéro passe vite, comme le repas délicieux en terrasse dans l’air tiède et bruyant du restaurant bondé du dernier soir de l’été.  Elle est jolie, brune, vive, des yeux clairs et rieurs, il est charmant, bavard et gai,  ravis tous deux d’être là, de cette escapade clandestine, ravis des odeurs du port, des gabians qui volent et crient au-dessus de nos têtes, de la grande pizza aux anchois, des artichauts et des supions à l’ail, du vin des Côteaux d’Aix…  
Il est minuit. « Tu nous rejoins demain ? ». Non, ce samedi, j’ai des engagements, mais dimanche peut-être…   
Dimanche, je prends la navette pour les îles du Frioul où ils ont mouillé pour la nuit. Il est tôt, mais il fait si beau. La navette est déjà pleine, touristes et locaux papotent, échangent sur les Journées du Patrimoine, les balades et les bons plans, elle prend de la vitesse et la fraîcheur de l’air me fait tressaillir.  Il m’attend sur la petite plage avec l’annexe et nous ramons ensemble pour la rejoindre au bateau, posé dans cette petite calanque calme. L’eau est si claire, si douce, plongeon dans la Méditerranée, on sort de l’eau, on se rince en frissonnant un peu, on mange quelques navettes à la fleur d’oranger. On hisse la grand-voile et nous voila dans la pétole au large, clapotant tranquillement au milieu des magnifiques bêtes de course de la Juris Cup, affûtées pour prendre le moindre souffle dans leurs voiles noires en Kevlar. Les équipages en uniforme virent de bord avec grâce.
Nous traversons la rade et allons nous poser en face des calanques, derrière l’Ile Maire, au creux accueillant de l’Ile de Jarre pour manger des pâtes vaillamment cuites par Pierre sur le réchaud asthmatique. Nos mots s’apaisent, c’est l’heure de la sieste, je m’assoupis sur le pont pendant qu’il la caresse et je me réveille pour voir ses doigts à lui, plein des fragrances mystérieuses qu’il lui fait lécher…
Au retour, le vent nous porte, on fait le tour du Château d’If, lumière sublime, ocre beige des pierres, silhouettes des visiteurs en ombre chinoise, la ville embrumée de chaleur, majestueuse au loin, Notre Dame de la Garde qui veille, voiles et petits bateaux à moteur, plaisanciers, pêcheurs et ski nautique.
Retour au port, balade magique, pureté du ciel redevenu bleu, limpide, coucher rose et rouge du soleil,  un mojito au bar, on continue de se raconter nos histoires… On arrive dans ma maison perchée, c’est beau une ville la nuit.
Après le repas simplement fait, partagé, petit rouge de derrière mes fagots, discussion vive et un peu émue, féminisme, sexualité, couples, les hommes, les femmes, souvenirs et traumas, joies et peines, après le repas, la douche et après la douche…
Nus et humides nous nous rejoignons dans ma chambre. Trois. C’est tendre et attentif, délicieux et doux, intense et presque brutal, complice et serein, libre et jouissif.

J’ai un beau coup de soleil sur le nez. Revenez quand vous voulez.

mercredi 27 août 2014

Ecrire ou faire l'amour

Ces derniers temps, cette fichue fracture m'a donné le sentiment que ma vie m'échappait.
Mon "mec" se fait la malle, le travail me fuit, ma cheville lâche...
Je suis seule dans la ville, dans la vie (en fait ce n'est pas vrai du tout) mais j'avais ce sentiment insupportable de solitude, de ne plus rien contrôler (et ça c'est en partie vrai). Que ma vie m'échappait.
Quand j'étais petite, vers 4 ou 5 ans, j'avais un livre illustré qui racontait l'histoire d'un petit bonhomme qui était une fleur de pissenlit, cette boule duveteuse sur laquelle on s'amuse à souffler... Il arrivait des tas d'aventures à ce petit bonhomme. Il était si léger qu'il se laissait porter par le vent et se retrouvait en fâcheuse posture. Un nouveau coup de vent le sortait de là et le portait ailleurs. Je me souviens de cette image du minuscule héros qui atterrissait sur une feuille emportée par les eaux de la rivière. Il regardait le paysage défiler sur son fragile radeau...
J'ai eu, ces semaines, l'impression d'être ce petit personnage, accrochée à ma feuille d'arbre au fil de l'eau.
J'ai eu l'impression d'être cette fleur sur laquelle on souffle et qui n'est plus rien. 

Et puis quelqu'un que j'aime et qui m'aime est venu, on a parlé, beaucoup, j'ai pleuré, beaucoup. Il s'est passé de belles choses. Elle m'a dit de belles choses et surtout, elle m'a écouté. 
J'ai arrêté de pleurer. Parce qu'en réalité, ça se voit pas sur le blog, mais ça fait 15 jours que je pleure pour tout, pour rien et que je me demande si je ne suis pas en train de virer dépressive. Mais en fait non.
Depuis ce passage dans ma maison, je vais mieux et je re-pense.
Je pense à mes héroïnes.
Consciemment ou pas, depuis qu'on est tout petit, on a des héros, des héroïnes qui nous fabriquent un imaginaire intime de ce que l'on voudrait être, sur notre façon d'être au monde et de le percevoir.
Personnages réels ou de romans, de films, pop stars, oncle lointain ou cousine extraordinaire dont la vie libre en rupture avec les codes nous a fait rêver adolescent(e) et puis la vie avançant, ce sont d'autres destins qui nous inspirent.
Mes héroïnes sont toutes des femmes.
La première fut sans doute vers l'âge de 11 ans, Scarlett O'Hara, l'indomptable, l'inoubliable, la chieuse number one totalement dépourvue d'humour, la sublime qui tombait d'inanition pour rentrer dans un corset de 12 centimètres de diamètre, celle qui soulève un sourcil et tous les Beaux du Galant South s'entretuent... Cette idiote aime un fantôme, mais découvre (une fois, une seule fois) le plaisir dans les bras musclés de Rhett Butler... J'ai relu cent fois ce passage bien pudique qui a alimenté mes premiers émois humides... Quelle nana! "I'll go back to Tara"...
La deuxième est Claudine, l'héroïne des premiers romans de Colette. Impertinente, curieuse, intelligente, fantaisiste, amoureuse, drôle, gourmande ... L'inverse de Scarlett! Je vous assure, lisez ou relisez "Claudine à l'école", je crois que ça n'a pas pris une ride!
Bien vite j'ai lu tout Colette qui reste un de mes écrivains de chevet. C'est avec "L'ingénue libertine" que j'ai commencé ce blog
Et bien vite, au-delà de ses écrits remarquables, c'est Colette elle-même qui est entrée dans mon panthéon. Loin de la vieille dame à la drôle de tête qui ne sortait plus de son appartement du Palais Royal, j'ai découvert une femme libre, drôle et mélancolique comme ses héroïnes, bisexuelle assumée, dont le minois et le corps de chat avaient dansé dans les cabarets... Et toujours l'écriture.
Et puis, la musique est arrivée. A 15 ans, une amie du lycée m'a fait découvrir Ike and Tina Turner. Surtout elle. "Proud Mary " continue depuis lors de me couper le souffle. Je l'écoute encore et encore... Et la vie de Tina. Isn't she a warrior ? She's da best! 
Catherine Ringer. Depuis le début, son répertoire, sa voix, son émotion, sa renaissance.  On a presque le même âge.
Et puis mes mamies.
Et puis quelques autres...
C'est la liberté qui est mon héroïne je crois. La liberté, celle qui te permet d'être qui tu es, comme tu es, proche de toi et proche des autres. Celle qui te donne la force. Il va falloir que je commence à m'y faire.

C'est incroyable comme j'ai envie de faire l'amour ce soir...










samedi 23 août 2014

Une riche vie intérieure


Tu te retrouves aux urgences, toi avec ta cheville qui a quadruplé de volume, le jeune homme qui a pris un surf dans le crâne, la fille qui faisait du vélo et s’est explosé le coude, l’autre nana qui a un genoux comme une pastèque… Tu as mal, tu attends, tu passes de l’infirmière à la toubib, on t’envoie faire une radio, tu attends, tu clopines à nouveau dans les couloirs interminables, tu as soif, tu ne peux pas fumer, tu croises une obèse en fauteuil roulant à qui il manque une jambe,  tu avises un vieil homme allongé sur un brancard, posé là, perclus de perfs, avec de l’oxygène dans le nez, qui tente dans un effort désespéré de remonter sa couverture parce qu’il a froid. Tu clopines pour aller la lui remonter. Il te remercie dans un souffle.  Tu continues le circuit et tu ressors cinq heures plus tard avec une belle photo en noir et blanc de ta fracture et ton plâtre… Les gens sont très gentils et c’est gratuit.

Tu es là, la jambe blanche, les orteils qui dépassent. Tu es venue chez tes amis voire l’Océan et tu t’es cassé la gueule dans un trou de sable dans la forêt de pins, parce que tu as voulu aller faire un petit jogging un jour de bruine.
Tu sens une immense vague de blues t’envahir. P… ! Tu es seule, l’autre est aux abonnés absents, tu es venue avec ta caisse en prenant de gentils covoitureurs sur Blablacar, comment vas-tu rentrer ? Et cet entretien pour une mission dans cette collectivité de la Côte d’Azur à 200 bornes de chez toi la semaine prochaine ? Jurons divers et variés, sanglots, reine des pommes, mais quand la poisse va-t-elle s’arrêter ? 

Et puis Lo est là, elle te rassure, on trouve des solutions pour tout. Tu rentres à Marseille. Quelqu’un conduit ta voiture. Ca arrange tout le monde. Bon plan.
Et ta fille chérie est là, elle te rassure, elle fait les courses, te remonte le moral.
Et elle te trouve une copine qui t’amène en voiture pour ce fameux entretien à 200 bornes. Y aller en béquilles, c’est un signe de motivation évident non ? 

Alors maintenant, tout est à peu près en place, reste plus qu’à patienter. Entre 30 et 45 jours de plâtre, c’est écrit sur le papier à en-tête de l’hôpital. Au mieux (et si 30 jours) encore trois semaines.
Mais ta fille va bientôt repartir vers de nouvelles aventures, l’autre est toujours aux abonnés absents, il ne sait rien de tout cela, (bon, allez, sois raisonnable et dis-toi bien que c’est fini, même si ça fait mal…), l’ex est en vacances avec sa nouvelle loute, et de toutes façons il vit loin, les copains ont du lait sur le feu (normal, z’ont pas que toi à s’occuper) et si l’un(e)  ou l’autre passe prendre le thé, c’est déjà pas mal.
Ta rentrée est repoussée d’autant, pas d’inscription avec le chouette partenaire que tu avais trouvé pour le cours de tango que tu guignais, pas de travaux dans la maison, ça va attendre, renouer avec ta vie sociale aussi. Reste quelques CV à envoyer… Des bouquins à lire, tu découvres Léonardo Padura et tu en es ravie, tu lis en vrac polars, romans (Jonathan Coe « Expo ‘58 », délicieux), tout ce retard que tu avais, et puis  Mad Men, Dowtown Abbey, Treme (tu te retiens pour ne pas y passer tes nuits),  Arte+7, l’écriture…  

Reste une riche vie intérieure…

vendredi 1 août 2014

La vie, l'amour, les coquillettes, le musette et la bière...

Plus de quatre ans que nous nous sommes rencontrés avec M... Sur un site libertin. Notre première rencontre fut mémorable. Par un soir de mars 2010, une pluie battante, perdue pour trouver l'endroit de rendez-vous dans cette zone commerciale noire et trempée, ronds-points et enseigne lumineuses criardes...
Je finis par trouver. Je l'attends les yeux bandés, le coeur battant... Une première pour moi...
Je découvre sa peau, son souffle, ses mains... Puis son visage quand il enlève mon bandeau...Très joli souvenir.
Je me découvre. 
Clandestine - il est marié et moi aussi - la relation prend de plus en plus de place. On prend des risques...
Et puis on s'attache...
Et puis le temps passe...
Il quitte sa femme en septembre 2012. C'est dur, brutal, violent. Elle est psychologiquement malade, très dépressive, voire bipolaire, internée à plusieurs reprises, physiquement très fragile... Mais il n'en peut plus de cette vie commune de plus de vingt ans. Notre relation est un catalyseur. Il lui reste fidèle en ce sens qu'il est auprès d'elle, qu'il paye, au sens propre et au sens figuré. Elle connait mon existence, sa haine se focalise sur moi. Elle me traite publiquement de noms odieux. Elle tente de monter tous leurs amis, leur fille contre lui... Banalité parait-il dans tant de séparations...  Elle fait irruption deux fois, une furie qu'il a peine à contenir (physiquement) sur le parking de la maison où elle pousse des hurlements, des éructations... J'ai peur. Je suis choquée. Je crois qu'elle veut me tuer. Chantage, tentatives de suicide à répétition...
De mon côté, la vie change aussi.
Notre couple devient officiel.
Il finit l'été dernier, en 2013,  par rencontrer ma fille au cours d'un dîner, quelques uns de mes amis, on passe des vacances en bande de potes (no sex!) sur la Côte Atlantique. Je rencontre sa fille, jolie brunette du même âge que ma rejetone. Ca s'apaise doucement.  On habite à 150 bornes, mais on passe nos week-ends ensemble, alternativement rats des villes et rats des champs...
Et puis... J'ai des problèmes de boulot, il a (toujours) des problèmes avec sa femme, sa fille...
Cette dernière année, la relation s'enlise. On se voit essentiellement tous les deux. Pas vraiment de vie sociale commune, plus beaucoup d'excitation, des projets en berne.... On tourne en rond.
On baise moins, on ne baise plus...
Une forme de conjugalité s'installe...
Le 18 juin dernier (non non, pas d'allusion...), je lui envoie ça :

"Le temps qui m’est donné aujourd’hui me permet de réfléchir (un peu) à notre relation.
Qui est tombée, comme tu le faisais fort justement remarquer l’autre jour, dans une sorte de quotidien confortable (très) et un peu sans surprise…
Confortable comme un vieux jean un peu mou, celui qu’on met pour aller faire ses courses…
Confortable comme ces nuits où nous dormons côte à côte sans beaucoup nous toucher (je dors bien avec toi).
Confortable comme nos petites habitudes, apéro chez toi, verre au pub chez moi, course à pied, shopping ou balades (j’aime prendre l’apéro, courir, faire du shopping et me balader avec toi).
Confortable comme un métronome pour un apprenti pianiste qui répète son morceau…  
Nous avons tellement partagé nos histoires, nos problèmes, nos enfants… (j’aime partager avec toi).

Je crois pourtant qu’il commence à manquer ce piment à l’histoire qui en faisait le sel il n’y a pas (si) longtemps.
Je ne sais pas si c’est le temps qui passe, la vie qui se renouvelle peu (je dois dire que mon récurrent problème de boulot n’aide guère… ), la cinquantaine qui tape, la flemme, une forme de lassitude, la fatigue des semaines qui tombe sur les épaules le week-end, on se connait presque par cœur, on est en mode répétitif (mais comment faire autrement ? ), le confort donc…
J’ai toujours beaucoup de plaisir(s) à nos moments, et j’espère que toi aussi. Je  crois que toi aussi.
Et je sais à quel point tu m’es devenu important. Attentif, patient avec mes sautes d’humeur, mes cafards et mes peurs, aimant, rassurant, généreux…  

Mais ce minuscule caillou dans nos chaussures, qui gène un peu la marche. Oh ! Mais pas trop. Très peu même. On avance quand même… Sans enlever la chaussure.
J’aimerais retrouver dans nos yeux ce léger scintillement complice… Cette pupille un peu agrandie… J’aimerais retrouver nos jeux de mains, jeux de vilains… J’aimerais retrouver nos cœurs de Maître et de Soumise qui palpitent avant l’épreuve et le plaisir…
Je sais. C’est difficile peut-être. C’est du taf mental… Poser le vieux jean et enfiler le noir, le vinyle et le cuir… (Bon, surtout l’été… Fait chaud !).
J’ai bien quelques idées, pour s'obliger à rompre le confort. Comme quand on n’a pas envie d’aller courir… et qu’on y va quand même !
Et surtout, ne pas s’empêcher de ré-enfiler le vieux jean. Parce qu’il est indispensable dans la garde-robe…"

On en parle un peu de ce mail... On décide de prendre des vacances relax et coquines, de repartir au Cap...
On a envie de légèreté. 
Il y a trois semaines la nouvelle tombe : sa femme est atteinte d'un cancer. Elle a réussi... Elle s'est brouillée avec tout le monde y compris sa propre famille, elle n'a plus que lui... Elle le tient dans sa toile d'araignée de culpabilité, de chantage, de malaise... She's a poisonous Black Widow... 



Il y va comme un bon petit soldat, pour elle, dit-il,  et surtout pour leur fille (21 ans, un peu paumée, se cherche de petits boulots en petits boulots...). Il y va et suspend notre relation, me l'écrit, ne veut pas que je vive ça, veut me protéger, veut rencontrer des gens avec lesquels il parlera d'autre chose, m'écarte... Et se fabrique une fiche sur un site libertin, où il va régulièrement... Je le vois (sixième sens, j'ai pas cherché longtemps...). Peut-être que ce soir, "il parle d'autre chose...". Sauf que cette fiche date de 2011 et se termine par ces mots : "P.S: Je recherche également une charmante complice pour relation suivie". Il a toujours menti, par le passé (il me l'a dit) et aujourd'hui...
Et moi, je suis triste, jalouse sans doute (une saloperie la jalousie), je me rends compte qu'on a toujours été trois dans cette histoire, dans sa propre histoire plus complexe et tortueuse qu'il ne veut bien l'admettre... Est-il de ces hommes (nombreux semble-t-il??? J'ai pas de stats!) qui, lorsque la relation s'installe perdent le désir ? Ai-je tant vieilli en quatre ans ? Non, ça, je ne crois pas... Mais on est si prompte à se sentir déstabilisée...
CA ME FAIT CHIER! 
Bon. Voila. Je ne sais pas que rajouter. 
Je pars demain, seule, rejoindre une amie en Ardèche, puis, je file chez ma chère et tendre Lo revoir l'Océan. 
Je suis fatiguée de cette histoire. Et pourtant je tiens à lui. Tout cela est d'un banal...Putain! On devait partir aujourd'hui en vacances...