samedi 17 novembre 2012

Instantanés urbains

Parvis de la gare de Lyon. Il pleut. Il fait froid. De drôles d'humains, noirs de pied en cap, casqués et arnachés attendent. Les gardes du corps de Dark Vador ? Des motos taxis, visières relevées et micros devant la bouche qui hèlent le client. La foule est dense, va et vient en mouvements désordonnés. Sous la verrière, je fume une cigarette. Un homme s'approche, une sébille à la main. Il est jeune encore, grand, costaud, roux aux yeux bleus, un visage rond dont il reste une enfance. Il est étranger. Polonais ? Roumain ? De l'Est en tous les cas. Je lui refuse une cigarette d'un mouvement de la tête. Il s'éloigne. Il claudique. Je le regarde mieux. Sa jambe est coupée au niveau du genou. Son moignon repose dans un nid de chiffons sales sur une jambe de bois. Une jambe de bois comme je n'en ai jamais vu. Comme j'en ai lu dans Oliver Twist. Une vraie jambe de bois de Cour des Miracles. Il a une béquille, une casquette, il mendie des cigarettes. Je m'approche, je lui donne mon paquet, je m'enfuis. Chienne de vie.

Dans le métro. Deux hommes, Indiens ? Pakistanais ? Tamouls ?, parlent dans cette langue qui ressemble au bruit de l'eau qui ruisselle sur des petits cailloux. Le premier dit quelque chose et dans le langage universel de qui n'a pas compris, le second lui lance une interjection qui veut dire "Pardon?". Le premier répète exactement la même séquence de sons. Je n'ai pas mieux compris.

Dans le métro. Je suis assise. En face de moi, une femme sans âge. Elle a un anorak vert sapin, un peu petit, fermé à double tour malgré la chaleur. Elle a un collant opaque noir, un peu petit, qui lui barre le haut des cuisses. Elle a des bottes épaisses et fatiguées. Elle n'a pas de jupe. Elle a un bonnet. Un sac en plastique par terre dont elle sort un paquet de madeleines. Elle l'ouvre avec grand soin et se met à manger les gâteaux un par un avec méthode. Elle prend la madeleine d'une main, de l'autre, elle en coupe un morceau qu'elle met dans sa bouche. Elle mâche. Elle avale. Elle met le reste du gâteau dans sa bouche. Elle mâche. Elle avale. Elle reprend un gâteau. C'est lent et hypnotique. Ce pourrait être dans un spectacle de Pipo Delbono ou de Castellucci. Un film des frères Dardenne. Esthétique de la misère. C'est juste dans le métro. Je descend de la rame en me demandant vaguement si elle va pleurer quand le paquet sera vide.

Gare de Lyon. Dans le nouveau hall, dit hall 2, rénové de frais. C'est un bel endroit. Je fais la queue pour payer mon journal. Devant moi, une grande femme. Elle est blond platine et a les cheveux très courts, très bien coupés. Elle a des anneaux, plusieurs sur chaque lobe en remontant le long de la courbe de l'oreille. Elle est vêtu de cuir noir, souple et coûteux des pieds à la tête. Elle a de hautes bottines aux talons vertigineux, un pantalon à découpes cavalières, une veste courte, cintrée à la taille. Elle a les mains manucurées et baguées, les ongles rouges. Ses bagages, noirs aussi, fleurent la maison chic.  Je lève les yeux. Je sais alors. Madame, si tu veux m'attacher, je veux bien...

10 commentaires:

  1. Entre les instantannés et les Pakistannais, je me demande pourquoi tant de N ?! Envie d'une tannée, peut-être ;-)))

    Je profite de tes clichés parisiens pour te rappeler que le cadeau promis à la première venue est toujours à prendre (et je pense que des trois postulantes, tu es celle à qui il conviendrait le mieux).

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    1. Je vois vraiment pas de quoi tu parles... Oups! Pardonne (2 n) à un samedi matin trop frais...

      Ok. On va boire un verre ?

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  2. Peut-être que la femme de l'instantané 4, c'est seulement pour se donner un genre.

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    1. Ah, ça, elle se donnait un genre en effet... ! Mais quel genre!

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  3. Instantané 5

    Je vis à Bucarest. Il y a trois jours, une info passe à la télé : un pédophile a été arrêté à Pitesti (sud de la Roumanie), dont l’activité s’étendait aussi sur des bébés de huit mois.
    Polonais, Roumain, Indien, Pakistanais, Tamoul ?
    Mais non. Français.


    Eugen Popescu

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  4. Bonjour et bienvenue Eugen Popescu.
    Il n'y a pas dans mes écrits une once de racisme de quelque nature que cela soit. Si vous n'en êtes pas convaincu, je vous demande simplement de les relire. Je constate tout aussi simplement que ces personnes sont étrangères et que je ne comprends pas le polonais, ou le roumain, ou l'indhi ou le tamoul... Par ailleurs, je suis bien convaincue que les Français ne valent pas mieux que quiconque (on a eu des mecs qui s'appelaient Emile Louis ou Michel Fourniret et c'est pas une gloire!).
    Enfin, si en effet vous êtes roumain, ce que laisserait à penser votre signature, je vous félicite pour le maniement de notre langue. J'aimerais bien en faire autant en polonais, en roumain, en tamoul ou en indhi.

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    1. Merci pour ta réponse, Marieh20.

      En tant que roumain, je me sens comblé par la bonne note en français que tu m’as accordée. Chuis tellement fier, tu sais, … nous les roumains, recevoir une bonne note …

      Bon, ceci à part, en effet, ton billet n’était pas forcément raciste ou xénophobe, en tout cas, pas manifestement, donc si j’ai été injuste, je m’en excuse.

      Du reste, ça m’as plu le jeu d’esprit « instantanés/clichés ». C’est plutôt ça.

      Bonne continuation.


      Eugen Popescu

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  5. instantanés ou clichés ? certes, la grande ville c'est ça... qui vous serre le coeur.
    mais il y a d'autres qui vous l'ouvrent. beaucoup d'autres.
    ah le pantalon à l'allure cavalière, un must :)

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  6. Clichés peut-être. Concentrés en tous les cas. E je ne suis pas sûre que celles et ceux qui croisent ces "clichés" tous les jours les voient encore. Je reste frappée par la violence sociale. Quant aux situations qui ouvrent le cœur... Il y en a et j'adore écouter le tamoul et observer les découpes cavalières sur les pantalons de cuir...

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  7. Le spectacle de la vie, dans sa misère et dans ses joie.
    Parfois on ouvre grand les yeux, d'autres fois on se les cache.
    Et puis au hasard d'un blog on lit une belle description et on sourit malgré tout.

    V

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