mercredi 30 décembre 2015

Blanche Neige

Elle ressemble à Blanche Neige. Brune, le teint pâle, les yeux clairs... Peut-être que sa bouche n'est pas assez rouge. Sa mère ne s'est pas piqué le doigt et son sang n'a pas perlé quand elle l'attendait, elle, l'aînée.
Elle est là, chez moi, avec sa petite tribu. Tout le monde est sage comme une image. La grande roue tourne et la colline de la Bonne Mère s'illumine dans le crépuscule hivernal. Contre le bleu, il y a une photo. Elle s'en approche, la regarde attentivement. Elle me demande : "Quel est le photographe qui a pris ce cliché?".
Je ne sais pas. La photo est en noir et blanc. Le tirage est légèrement sépia. C'est une vieille dame aux traits fins. Elle a du être très belle. Son profil est altier. Elle est coiffée, deux pinces retiennent ses cheveux, elle est fardée, un long trait d'eye-liner souligne sa paupière et son sourcil est dessiné au crayon sur son front. Elle a du rouge à lèvres. Elle porte de grandes et lourdes boucles d'oreille et un pull chiné. Elle a des bagues. Elle est assise à la table d'un café, contre la vitrine et d'une main soulève la tasse qu'elle va porter à ses lèvres. Sur la table ronde, des lunettes, un verre d'eau, des petites serviettes en papier sur un présentoir, comme en Italie, et un gros cendrier de verre, vide, une plaquette de pilules, un pot de sucre. Derrière elle, sur une table jumelle, un homme chauve a chaussé ses lunettes et, accoudé, lit un livre. Dehors, une silhouette et une bouche de métro.
Cette vieille dame, je l'ai trouvée il y a longtemps déjà à Buenos Aires. Au crayon sur la marie-louise, il y a écrit "Bares de Buenos Aires"... je l'ai aimée tout de suite, parce que les bars de Buenos Aires sont comme ça, toute la vie de la ville s'y vit aux vitres, sur les tables, avec les syphons de verre bleu qui font de l'eau piquante. Elle m'a émue tout de suite cette dame. C'est son visage, l'expression de son visage, qui fait le prix de cette photo que j'aime tant.
Son regard est perdu dans la rue, un peu grave, mélancolique, ou bien tout simplement, elle ne pense à rien, comme cela nous arrive quand, le regard lointain, on boit un café. Elle rêve peut-être à ce dernier tango hier soir, à la milonga où elle va souvent... On peut mettre ce qu'on veut dans ce regard, suivant l'humeur. En tous les cas, elle est seule et je me projette déjà dans cette photo... Mais pour l'instant, la vie me sourit. Blanche Neige est là.

4 commentaires:

  1. Ils sont rares, après 8/9 ans, ceux qui encore savent regarder...

    RépondreSupprimer
  2. Je ne sais pas qui est Blanche Neige mais ce que tu en dis me suffit pour avoir le sourire.

    (La façon dont tu racontes doit y être aussi un peu pour quelque chose.)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Christophe! C'est dans la manière vois-tu... ! :)

      Supprimer