mardi 30 décembre 2014

Hammam

Hiver. Le Mistral glacial gerce la mer d'une flottille serrée de moutons blancs. Les oreilles et les nez rougissent, les corps se raidissent sous leurs pelures d'oignon, bottes plates et grosses chaussettes, jean épais, gants et écharpes, pulls et manteaux longs nous enserrent de leurs épaisseurs.
Dans mon quartier arabe du coeur de ville, encore sale et mal peigné comme Marseille sait l'être, il y a un hammam algérien traditionnel réservé aux femmes. J'aime aller me couler dans 45° quand dehors, les rats de nos canalisations éventrées n'osent même plus sortir de leurs trous la nuit tant il fait froid.
Dans ces rues du ventre de Marseille, il y a des coiffeurs africains, des réparateurs de scooters qui travaillent à même le trottoir, d'improbables "heddistes" ("ceux qui tiennent le mur") qui discutent, des petits trafiquants de clopes qui s'avancent vers toi les mains pleines de Marlboro et de Winston de contrebande, un marché de fruits et légumes où tout est à 1 ou 2 € le kilo, des épiceries d'Ali Baba et derrière une façade neutre à peine reconnaissable, sans enseigne, le Hammam. Porte fermée à double tour, il faut connaitre et il faut sonner. Une jeune femme vient entrouvrir précautionneusement et s'efface pour nous laisser entrer... J'y vais entre filles, avec ma soeur, ma fille, ma mère ou une copine... 
Entrer, choisir comme on ouvre une boite de chocolat, un hammam et un gommage, une épilation à la traditionnelle pâte de sucre/citron, un massage à l'argile ou aux huiles essentielles, un henné neutre ou rouge... 
Passer dans le grand salon rectangulaire, tapis et divans bas enveloppés de belles toiles de couleur, il fait déjà sombre et doux, se déshabiller, s'envelopper d'un paréo, prendre une serviette, un shampoing, un baume pour les cheveux, et descendre au hammam. Pousser la porte en bois, et entrer dans la chaleur. Une première pièce avec deux tables de pierre pour les gommages et les massages, là, prendre un petit tabouret et une petite bassine en plastique rouge, pénétrer dans la grande pièce voutée, à peine éclairée, élégamment revêtue de Pierre de Cassis beige pâle. Tout au long des deux côtés, de petites vasques en pierre sculptée, sans bonde, que l'on remplit à sa guise grâce aux deux robinets d'eau brûlante et d'eau froide. Poser le tabouret, s'asseoir, attendre quelques instants d'avoir très chaud, puis s'asperger d'eau à l'aide de la petite bassine. Il n' y a pas de vapeur ici, ni de piscine, juste la chaleur. Se passer la peau au savon noir et gluant que l'on t'a remis dans son petit pot, se le passer mutuellement dans le dos. S'étendre sur l'autel de pierre chaude au fond de la pièce et rêvasser. Entendre les murmures des petits groupes de femmes qui sont là, humides et nues, entre elles, sans jugement, tranquilles... Les observer. Deux jeunes et jolies filles, minces et encore bronzées, brunes, cheveux longs,  petits seins pointus, joli dos, jambes minces... Plus loin, elles sont quatre et leurs rondeurs m'émeuvent plus que les corps un peu secs des deux premières. Cuisses pleines, hanches grasses et voluptueuses, seins lourds, bras ronds, mollets charnus, ventre souple et blanc. Envie de caresser ces courbes féminines et tendres.


Et puis, la dame fait un signe. Gommage. C'est mon tour.  Il y a toujours une officiante qui travaille là, dans cette étuve, à peine revêtue d'une robe de coton informe, légère et mouillée et qui gomme et qui masse... Souvent silencieuse, je ne connais pas celle-là. Elle ne parle pas français. Elle a un certain âge, elle est petite et ronde. Elle m'allonge sur le ventre sur la dure table de pierre et commence le rituel. Sa ferme main gantée commence par mes bras, mes épaules, mon dos, mes fesses. Sans ménagement mais avec gentillesse, elle écarte mes jambes et frotte l'intérieur de mes cuisses, le creux de mes genoux, mes mollets, mes chevilles, mes pieds. Ma peau chauffe.Tout est frotté, récuré, les vilaines peaux mortes, les toxines accumulées forment de petites boulettes marron, et moi je me sens rajeunir. Elle me retourne, le haut du buste, le tour de mes seins, mes flancs, mon ventre, les plis de l'aine, cuisses, genoux, jambes encore et encore... Coup de pied et talons y passent aussi. Elle me fait asseoir et frotte mon cou jusqu'aux oreilles, jusqu'au menton.... C'est fini. Je la remercie d'un grand sourire, saute au bas de la table pendant qu'elle la lave en y jetant un grand seau d'eau qui balaie mes miasmes. Je passe sous la douche et l'eau me purifie de mes dernières scories. Ma peau rosie respire un air nouveau. 
 

Retourner dans la grande salle, se laver les cheveux et les rincer avec la petite bassine, être propre comme un sou neuf disait ma grand-mère.
C'est l'heure de partir. Echanger quelques sourires, sortir encore humide de la pièce si chaude et frisonner dans l'escalier pour remonter dans le grand salon où l'on nous sert un verre de thé à la menthe et une baklawa. Se rhabiller, gestes lents et un peu cotonneux. Sécher ses cheveux, le bruit électrique en devient agressif. Remettre chaussures, manteau et gants et quitter ce paradis féminin pour les rues grises et froides et bruyantes. Vite rentrer et se remettre dans un cocon moelleux.

lundi 22 décembre 2014

Let the good time roll !



 « Les Fêtes »… 
Haaaaa ! "Les Fêtes"…
Réunions diverses, drames qui ressurgissent, famille je vous haisme, personnes qui nous manquent, d’autres qui nous envahissent… Blessures anciennes ou récentes ravivées, trous béants dans nos tissus affectifs, émotions, regrets, souvenirs doux et enfuis, enfance si proche et si lointaine, temps qui passe et qui s’étrangle…  
Quand j’étais en couple, il y a quelques années, après un Noël particulièrement éprouvant, paroxystique et larmoyant, nous avions décidé de partir à cette période de l’année. Du coup, Madrid, la Côte Basque, les Guggenheim de Bilbao et de New York nous avaient enchantés. En balade,  nous avions fêté Noël avec délectation, des Noël urbains, but far from the madding crowd…  
Play/Blessures...
Cette année, mon beau-père ne viendra pas, trop compliqué, trop vieux, trop fragile et en sourd conflit avec mon père, invité aussi. Ces deux-là aiment, ont aimé la même femme, ma mère, et les blessures de leur rivalité – elle a pourtant choisi le second il y a plus de 30 ans - sont encore vives. Ils ont 86 et 91 ans… Elle 81… Je pensais naïvement que le temps aidant, les choses se seraient tassées, d’autant que nous avons déjà eu des rassemblements familiaux apaisés en d’autres occasions. Mais non. Les cicatrices sont encore à vif. Et la sagesse est un but à atteindre longtemps, longtemps... Tant mieux ? 
Ma sœur viendra seule, en plein psychodrame de divorce avec son mari. Je ne veux pas de lui chez moi. Il lui fait trop de mal. Je ne veux pas mentir, faire semblant, être chaleureuse et donner un cadeau…Je prends position résolument pour elle. Ma petite soeur. C'est tout.
Mon désormais ex s’est tiré un mois au Cambodge avec sa nouvelle amie et c’est con, mais ça me fait mal. Une sorte de bleu sur lequel on appuie. 
La blessure que M m’a faite est récente et vive. Beaucoup (trop) de choses me ramènent encore à lui, à ce cocon fragile dans lequel j'avais choisi de me réfugier. La voix chaude de Lavilliers, la Grande Roue plantée sur le Vieux Port, un couple enlacé dans la ville, un vieux blue-jean, la teinte de mon vernis à ongles… Petits et légers coups de rasoir, de ces infimes coupures que l’on sent à peine, mais qui saignent et vous piquent pendant les heures qui suivent…
Et puis faire à manger pour tout le monde devient compliqué par ces temps frileux et allergiques.  Une végétarienne, deux sans gluten, une sans produits laitiers… Pfffffff…. ! Heureusement qu’on n’est pas plus nombreux !
Alors cette année, ce sera un Noël petits bras, petits cadeaux, petit comité, mais j’espère de l’amour, de la compréhension, de l'attention, des regards et des chaleurs...
Let the good time roll !

samedi 13 décembre 2014

Naaaaan! Mais j'hallucine!

Alors voila. Celles et ceux qui me suivent, ou qui ont flâné sur mes pages, se rappelleront peut-être (fut-ce vaguement, je ne suis pas jalouse) de mes posts de novembre 2011 qui parlent de mes premiers pas de danse au bien connu GBDL, le Grand Bal des Débutantes en Libertinage. Marie Tro m'a d'ailleurs beaucoup amusée avec  son petit bordel de lettres qui m'a rappelé Le jour où je me suis jetée à l'eau ... 
Temps humides et chauds.
Changement climatique oblige, c'est de l'histoire un peu ancienne maintenant.
Justement.
L'autre jour, en me connectant ( Bon allez! J'avoue! Comme tous les jours... Oui. Je sais. Vous allez être déçus. Je suis très mainstream finalement... ) sur mon compte Facebook, qui est bien sûr édité avec mon identité réelle, quelle ne fut ma surprise (mais alors vraiment ma surprise!) de voir parmi ces agaçantes suggestions d'"amis" ce mec-là.
Ce mec que j'ai rencontré il y a environ 5 ans, enroulée dans un paréo et lui dans sa petite serviette, assez beau gosse et bien foutu... Nous entamâmes alors joyeusement des activités ma foi assez sportives auxquels se joignaient  parfois quelques camarades... Nous nous contactions par texto, nous nous donnions rendez-vous directement sur zone, et nous n'allions même pas boire un verre au bistrot après... C'est dire la nature romantique de cette relation qui a duré quelques mois, en 2009 je crois,  jusqu'à ce que nous nous perdions totalement de vue. Je ne l'ai recroisé qu'une seule fois il y a environ deux ans,  dans un de ces lieux de perdition où j'arrivais accompagnée, tandis que lui partait... Il s'était légèrement empâté.

Eh ben cinq ans après, Facebook me le propose comme "ami". Tsé, le truc "Vous connaissez peut-être...". Le mec, il est en famille, avec sa femme et ses gosses en vacances, enfin tu vois le genre quoi.
Mais comment ce p... de b... de logiciel, de courbes et de calculs surpuissants sait-il que j'ai baisé 7 ou 8 fois avec E.G. il y a cinq ans (et encore, en général, il faisait sombre et on n'était pas tout seuls, c'est l'Oeil de Caïn ou quoi ce truc ?),  et pourquoi, oui, mais POURQUOI veut-il qu'on soit amis aujourd'hui ?

CUI, toi qui parles à l'oreille des machines, au secours!

IL S'APPELLE Harwell Dekatron. Ou WITCH, pour Wolverhampton Instrument for Teaching Computing from Harwell. Il s’agit du plus vieil ordinateur du monde. Entré en service en avril 1951 et hors service depuis cinquante-cinq ans, il a été redémarré publiquement très récemment  après plus de deux ans de restauration. A l'époque, il faisait une multiplication en une demie-heure. Un peu comme moi, quoi...




Le plus vieil ordinateur du monde pèse deux tonnes et demi. Geoffrey Robinson / Rex/REX/SIPA

PS : Pour ceux que ces questions intéressent, je conseille vivement de regarder, en accès libre sur Youtube,  l'excellent documentaire de Philippe Borrel, co-produit par Arte,  "Un monde sans humains". Ca fait froid dans le dos, mais on ne pourra pas dire qu'on ne savait pas....