Ma mère adorait Anne Sylvestre.
Elle aimait la Anne Sylvestre des
Fabulettes, que j'écoutais en boucle, puis que ma fille a apprises par
cœur, petites choses drôles et délicieuses auxquelles je souhaite encore
une longue carrière pour l'éveil spirituel de nos bambins.
Et puis elle adorait la chanteuse
auteure-compositrice de belles ballades poétiques, féministes,
mélancoliques ou marrantes, pour les grands.
Et sur un 33 tours qui
passait à la maison quand j'avais 5 ou 6 ans, et que j'ai ré-écouté
bien plus tard, Anne chantait de sa voix douce-amère.
"Mon mari est parti un beau matin d'automne
Parti je ne sais où.
Je me rappelle bien la vendange était bonne
Et le vin était doux
Des messieurs sont venus m'apporter son costume
Il n'était pas râpé
Sans doute qu'en chemin il aura fait fortune
Et se sera nippé"...
Depuis qu'il est parti, cette chanson me revient souvent...
Depuis
qu'il est parti, je suis incertaine. Incertaine de cette histoire si
longue et si jolie à certains égards et si... ennuyeuse à d'autres
endroits. Les anglais ont un mot qui pourrait caractériser ces moments
là. C'est "dull". "Dull" c'est différent de "boring". "Dull" c'est
l'ennui un peu gris. C'est comme "bland". Ça veut dire "sans goût"
"bland"... Sans sel, sans piment. Fade. Notre relation était devenue dull and
bland, no doubt.
Fade sans doute, mais aussi douce (trop), confortable (comme un vieux
pyjama trop lavé), complice (comme deux vieux potes). Pas très surprenante. Et surtout pas bandante.
Et pourtant, je suis incertaine parce que ce n'est
pas moi qui ai décidé de la rupture, de la séparation. Oh... J'aurais
pu. Maintes fois. J'ai essayé. Souvent. Plus souvent qu'à mon tour. Il a
pris son tour. Et c'est lui qui a lâché l'affaire.
Et moi, je suis dans une lessiveuse.
Secouée dans tous les sens.
Je suis fatiguée. Si fatiguée.
C'est curieux, je ne m'y fais pas. Dans la chanson, son mari est mort et elle chante doucement en attendant son retour...
Et
moi j'ai juste l'impression que ce n'est pas vrai. Qu'il est parti
comme chaque semaine depuis deux ou trois ans. Qu'il va revenir. Non?
Qu'on va repartir à la voile sur le petit bateau. Qu'on va aller à Rome. Et voir des expos.
Et aller au ciné. Et prendre l'avion pour Valparaiso quand l'étudiante y sera l'an prochain....
Comme je dors mal, souvent au petit matin, le petit vélo démarre et je pleure en courant derrière.
Je
crois que mon orgueil est blessé. Blessé en plusieurs endroits, par
plusieurs quoi? Flèches? Couteaux? Coups de boule? Il y avait un
spectacle de danse très beau et très violent à la fin des années 90 qui
s'appelait "KO debout"...
Orgueil blessé de mon statut social actuel. Chômeuse c'est moyen, même si ça se porte beaucoup cette saison... Incertitude...
Orgueil blessé d'être la larguée et pas la largueuse. Que s'est-il passé? Inversement des rôles. Incertitude.
Orgueil blessé d'être celle qui reste sur le bas-côté et qui regarde passer la caravane.
J'ai
toujours été juchée sur le chameau qui menait le troupeau. Ou du moins,
c'est l'image que j'avais de moi-même. La favorite. Celle qui gagne à
tous les coups. Je baffe le prochain qui me dira: "Non, mais toi, Marie,
je me fais pas de souci. Tu vas rebondir". Les gens sont polis, gentiment convenus. J'en ai sûrement fait autant... Ou alors, tu croises untel au ciné ou au
théâtre. "Ça va ? T'es où maintenant?"... L'autre soir au concert avec
mon amie N (qui prend soin de moi), pas une, mais DEUX personnes: "Et
comment va ton homme?"... Heureux parisiens qui vous noyez dans la
foule. C'est petit ici!
Et ce printemps qui n'arrive pas... Incertitude.
J'aimerais bien sortir de la lessiveuse et passer en mode séchage. Mais pas dans l'air brûlant de la grande machine électrique qui tourne dans la vitrine de la laverie vide. Non. Un grand drap qui sèche dans un champ au soleil, dans une brise de printemps, qui sentira bon le propre et qui sera rangé dans une armoire avec de la lavande,et qui sera mis sur un grand lit pour être froissé par un couple amoureux...
Comme ce que tu écris me parle...
RépondreSupprimerJ'ai envie de te dire des trucs faciles "bientôt le beau temps s'installera et ton coeur sourira" ou "regarde la vie est belle malgré tout".
Mais c'est triste une locomotive qui ne tire plus ses wagons.
Bon courage.
Merci de ton passage ici, Judie.
SupprimerC'est vrai que la vie est belle, et que c'est bon de se réveiller, paresser, boire un café...
Après la pluie, le beau temps ?!?!
Je sais que c'est banal, mais c'est bien de se le dire et que tu me le dises.
Non, mais toi, Marie, je me fais pas de souci. Tu vas rebondir :)
RépondreSupprimerMais aiiiiieeeeuuuhhhh c'était pour te taquiner... tu mords fort pour une sardine :)
La raison majeure de ta tristesse et de ta fatigue est ton orgueil? Je te comprends. Mais tu peux utiliser cet orgueil pour réagir, justement! C'est toi Marie la Sardine, ze ouane inde onneli (moi aussi je peux mettre de l'anglais, na!), ze iounique, ze bèste ouane! Tu vas leur montrer de quel bois tu te chauffes, non mais!
Je t'envoie plein de bisous et d'énergie!
Avoue que tu l'as cherché Quadra!!! :)
SupprimerQuant au reste... Que sera sera...
Je t'embrasse.
Courage sur la route! T'es dans le temps du deuil, après, voir le temps que ça dure, pas laisser trop durer, pas hésiter à structurer si... mais je sais aussi que c'est tout facile de dire ces choses, de loin! alors courage dans la mer!
RépondreSupprimerMerci Anne! Je nage, je nage... :)
SupprimerLe détachement, c'est long, dur et avec des allers-retours mais il y a un moment, où on ne se retourne plus et puis, on passe à autre chose, sans s'en rendre compte. Surtout, laisser filer quand ça commence à glisser (sourire).
RépondreSupprimerEt puis, là, tout de suite, tu te rappelles de bons moments que ta jolie mémoire de sardine enjolive mais pour de vrai... c'était déjà du passé.
Se faire du bien, avancer à son rythme et faire confiance à la vie... Parce qu'elle pas toujours une chienne de salope non plus! lol!... des fois, elle arrive à être sympa :-)
Alors, gageons que "life takes care of everything" (proverbe préféré de ma p'tite soeur, émigrée chez les Grands-Bretons, ce qui explique le côté anglais du proverbe). Bises Cristina.
SupprimerArrrrgh... Moi qui pensais que NE PAS porter la culpabilité d'avoir sonné le glas était plus léger, surtout si soi-même on sentait le gris poindre.
RépondreSupprimerComme quoi, l'amour c'est vraiment pas simple.
Alors vivement le soleil pour sécher dans un champ, vivement Valparaiso, et vive N !
Et aussi des bisous...
Surtout, oui, vivement Valparaiso, où je compte bien aller d'ici 2014, thunes ou pas... !!! Bisous R
SupprimerÀ la question "Et comment va ton homme?", peut-être pourrais-tu répondre "Quel homme ?".
RépondreSupprimerJe rejoins Judie K, on ne peut pas toujours donner une tape dans le dos " allez vas y un peu de courage merde, ça va passer et tu verras le soleil va briller etc etc..." . Il y a des moments où on n'a pas envie d'entendre ces choses là .
RépondreSupprimerC'est long un deuil de tant d'années. j'espère que tu trouveras des petits plaisirs sur ta route qui feront que le deuil sera de plus en plus légers.
et j'espère qu'écrire sera un de ces plaisirs. Je t'embrasse fort la sardine
Merci Dita, je t'embrasse fort aussi.
SupprimerJe comprends l'envie motrice à sortir d'une vie "dull", et la difficulté aussi pour s'extraire du confort "pyjama", l'inertie de tant d'années.
RépondreSupprimerTu as fait ce chemin, déjà, et puis tu étais revenue, centripète, vers ce centre qui t'offrait la stabilité qui t'offrait la sérénité dans tes folles escapades. Dur d'être privée du beurre quand on a pris l'habitude du sourire de la crémière.
Peut-être reviendra-t-il comme tu es revenue, mais sans doute n'est-il pas raisonnable (qui l'est dans ces moments ?) de compter là-dessus.
T'inquiète pas pour l'essoreuse, ça tient jamais plus de dix ans (^^) ces machins maintenant !
L'obsolescence programmée, ça marche aussi pour les lessiveuses alors?! Choueeette! Plus que 9 ans et demie!
SupprimerPS : T'inquiète, je compte à peu près sur rien ces temps... :)
J'aurai tendance à penser qu'une brise légère de printemps est insuffisante parfois. Et qu'un grand coup de Mistral qui fout tout en l'air, balaie tout et fait le vide est plus à même de permettre de retrouver un ciel bleu durable.
RépondreSupprimerM'enfin, ce n'est qu'un avis... d'homme.
Carnets d'Eros.