Tu as marché vers cette épreuve longtemps désirée, longtemps attendue, longtemps fantasmée, longtemps pensée, anticipée, dessinée. La veille, tu avais des papillons dans le ventre, des papillons de peur et d'excitation, de désir aussi. Tu as peu dormi. Tu t'es réveillé beaucoup trop tôt et tu as attendu un peu de jour sur la ville pour partir. Partir seul dans ce voyage très personnel. Traverser la ville comme Alice a traversé le miroir. Vers un ailleurs.
Tu es arrivé où ? Etait-ce une de ces petites maisons anglaises, semi-detached ? Bow-window ? Un appartement ? Je ne sais pas. Tu étais à l'heure.Tu as sonné. Il t'a ouvert.
Le rendez-vous avait été pris il y a un an. C'est un homme très occupé. Un des meilleurs dans le genre. Une réputation à l'échelle de l'Europe, et au-delà. Il a une drôle d'allure ce gars là. Tatoué des pieds à la tête, piercé, il est beau et la toile d'araignée de son visage laisse voir des traits jeunes et fins... On peut avoir l'impression qu'il est inatteignable, que ses yeux soulignés de khôl te transpercent parce qu'il taille dans les chairs, dans les langues, dans les ventres, dans les cuisses, dans les bras tendres et blancs. Mais il est là, avec toi et pour toi. Il sourit, parle, prépare le matériel...
Tu t'es déshabillé. Deux heures après, le contour de ce dessin que tu as imaginé, qui fera le tour de ton bras en spirale infinie était découpé dans ta peau. Peu de sang en fait. Tu te sens fort, bien, juste, là où tu as choisi d'être. Ce moment précis où tu es là.
Et puis, il a appliqué un onguent anesthésiant et il commencé à te peler la peau.
C'est ancestral la scarification. En Afrique, en Australie... Les hommes et les femmes se faisaient et se font scarifier. personne ne pleure de douleur. Rites mystérieux de passage d'un état à un autre.
Tu es allé au bout. Tu as voulu marquer ce passage, ce changement, tes changements. Ta vie à toi. Ta spirale de vie.