Elle est belle. Elle est nue. Elle est rousse et blanche. Elle
a la bouche rouge et les yeux couleur d’eau. Elle a un corps de tanagra aurait dit ma
grand-mère… Elle est au grand soleil, dans cette prairie tranquille. Elle est
libre. Il est brun, il est sombre et rieur. Elle lui a tourné le dos. Il s’approche d’elle et commence le ballet de
ses deux petits martinets. Ses poignets volent. Elle rosit doucement. Il lui met les deux
mains derrière la tête d’un geste doux. Elle est debout, son corps fait un
petit X dans la lumière. Elle ne frémit pas. Elle rosit.
Un martinet plus lourd rentre dans la danse. Sa peau
frissonne à peine. Il passe devant elle et frappe ses seins. Elle commence à se
tordre un peu. La pointe de ses seins est érigée. Son dos s’arrondit pour
éviter les coups. Il sourit. Elle aussi.
Les serpents de cuir sont dans l’herbe. Il attrape les deux
chats à neuf queues et lui en caresse le dos. Il s’éloigne d’un mètre ou deux
et le ballet de ses poignets reprend. Les huit se font rapides. Elle vibre. Elle frissonne. Ses petits pieds
entament des pas hésitants, à droite, à gauche. Ses fesses parfaites sont rose
vif. Un coup de soleil. Son dos marque quelques
pâles zébrures. Il s’approche d’elle, attrape vivement ses courts cheveux d’un
geste dur et tendre qui lui fait tordre le cou et regarder le ciel d’un bleu
impitoyable. Il sourit. Il passe devant
elle et le cuir touche son ventre plat. Remonte vers sa poitrine. Elle se fait
anguille, couvre ses seins de ses deux mains, vierge farouche ? Elle dit
peut-être quelque chose. C’est si bas que je ne l’entends pas. Ils se sourient.
Le fouet claque brutalement tout près de son oreille. Je sursaute.
Elle aussi. Le fouet passe devant ses yeux, caresse ses omoplates, ses épaules
et ses seins. Et claque. Et siffle doucement. Ils sont deux. Ils sont trois. Ils
sont quatre. Ils sont lui et ses fouets. Et elle. Et ils sont deux. Elle est
lisse comme le cuir, peau à peau. Il la prend dans ses bras, tout contre, et
les fouets les enroulent ensemble quand il vient frapper ses flancs tendres. L’un puis l’autre, puis l’un puis l’autre. Il
l’empêche de s’enfuir, ballet hypnotique.
Il la lâche, il s’éloigne. Elle veut fuir loin et elle ne
veut pas. Elle voudrait supplier et ne le veut pas. Elle veut être vaincue,
mais elle veut vaincre. Elle chancelle un peu, ses pieds bougent, malgré elle
peut-être, dans l’herbe. Elle s’enfuit tout près du fouet qui dessine sur son dos de jolies boursoufflures
en damier. Il frappe aussi les fesses, cingle
le haut des cuisses. Il va et vient sans beaucoup de répit.
Elle tombe à quatre pattes, et file, file, et lui la suit et
derrière fouette, fouette son dos. Son
sexe, ses fesses, ses seins, ses cuisses, ses genoux, ses mains courent sur l’herbe. Elle est belle. Je crois
voir une perle qui glisse le long de sa fente. Elle revient au bercail, au centre de la
prairie. Ses mains quittent le sol. Elle n’est plus à quatre pattes. Elle est à
genoux. Il la relève. Il recommence. Elle est debout. Mains derrière la nuque. Elle se met dans la position de ceux qui
viennent de faire un effort violent et reprennent leur souffle. Debout, penchée
en avant, mains sur les genoux. Elle reprend son souffle. Debout de nouveau,
mains derrière la nuque. Elle retombe à genoux, ses mains dans l’herbe dont
elle arrache quelques brins et en met un à sa bouche. Elle chantonne. Elle ouvre et ferme ses mains et ses petits
ongles rouges tambourinent sur ses cuisses à chaque coup reçu. Quelques menus
cris. Il s’arrête. Recommence. Elle s’allonge, ventre nu contre le sol. Il
la fouette à terre, serpent à serpent. Ils
se sourient. Elle se relève encore… Et
encore le serpent siffle.
Ses yeux d’eau rient et ne rient plus. Ses yeux sombres la
guettent. Longtemps.
Un petit jus de pamplemousse pour se remettre ?
« Dans la salle d’attente de la gare de Nantes
J’attends…
Une jolie p’tite rousse qui s’tape une mousse au chocolat… »
Jacques Higelin.