Ce voyage, tu en as rêvé sans oser te l'avouer. Sans oser y penser vraiment. Et puis un jour de blues, un jour de vertige au bord du net, tu as une conversation avec l'être qui t'es le plus cher au monde, ta fille, grande petite de 22 ans, grande petite devenue presque adulte, grande petite qui te connait aussi bien, peut-être même mieux encore, que toi qui l'as mise au monde... Et elle te dit des choses et elle te dit "Va, ne te retourne pas...". Elle te dit que tu dois couper, tu dois partir, repartir comme tu as su le faire par le passé.
Tu ne dors pas. Tu penses à cette conversation. Tu as besoin d'un ailleurs pour penser les choses autrement.
Tu vérifies la date de validité de ton passeport, tu passes un mail, un seul, à ton amie si proche et si lointaine et ton amie te dit "Oui. Viens".
Alors tu vas partir.
L'amie te donne deux/trois conseils pour ton voyage.
Apporte si tu en as un, un vieux téléphone portable, on mettra une carte Sim locale dedans.
Tu ouvres tes tiroirs, tu cherches un peu et au milieu d'un fatras de fils que tu démêles et d'objets hétéroclites, de cartes postales, de trombones, de batteries, de piles hors d'usage, de badges de colloques, de ficelles et de rouleaux de scotch... Tu retrouves ton increvable petit téléphone blanc, que tu as délaissé il y a quatre ans au profit d'un "objet intelligent" (comme si les autres étaient des "objets cons")...
Tu le recharges et comme R2D2, il s'allume... Il est là, sympa, discret et plein de ressources encore, prêt à servir à nouveau.
Tu l'ouvres, tu appuies sur les touches et tu lis les noms sur ton ancien répertoire...
Et une grande tranche de ta vie passée te remonte en mémoire...
Qui c'était ce mec dont tu lis le prénom et le nom ? Ah! oui! Je sais. Et puis cette collègue (quelle faux-cul celle-là!), cet amant perdu de vue (et si je l'appelais ? il en ferait une tête!), ce p... de directeur de cabinet qui a eu ta peau, ce type sympa avec lequel tu allais boire une bière en terrasse sur la place aux platanes, à côté du manège, après le boulot, en parlant de tout, de rien...
Ta vie passée.
La nostalgie n'est plus ce qu'elle était.