Il n'allait pas bien. Il ne mangeait plus, se traînait l'oeil un peu vitreux, l'air malheureux. Sur la couette, j'avais trouvé une petite touffe de poils gris poisseuse de sang. Puis une autre sur le tapis. Des gouttes brunes dans le couloir. Il s'était blessé sous le menton, tombé sur un fil de fer ou un morceau de bois et avait gratté sa blessure jusqu'à l'os fin et blanc de sa petite mâchoire. Il grattait, grattait... Dépérissait. Je ne savais pas quoi faire.
J'ai gratté moi aussi. J'ai gratté ma blessure à peine cicatrisée. Et maintenant, ça brûle et je saigne et je gratte...
Un soir d'attente, un soir où tu sais qu'il ne faut pas, surtout pas. Un soir où tu es, tu sais que tu es fragile. Internet, quelques clics et tu trouves et tu vois. Il n'est pas besoin de l'inique et inutile loi que nous concocte ce gouvernement imbécile pour gratter, gratter jusqu'à l'os, la peau est si fine, la chair est si tendre. Et trouver. Internet est redoutable. Abyssal. Vertigineux.
J'avais commandé à la pharmacie un col, en forme d'entonnoir en plastique blanc pour empêcher que cela empire, l'empêcher de se gratter. Je n'en ai pas eu besoin. Il a cessé et petit à petit, la plaie s'est refermée, les poils ont repoussé et il n'y parait plus. Le chat est pleine forme. Il mange et il dort. Il court après les gabians et les tourterelles qui se posent sur la balustrade. Il pousse un petit cri rauque de joie lorsqu'ils s'envolent rejoindre d'autres maisons perchées. Et puis il mange et il dort, tapi dans son recoin de placard en laissant ses poils gris sur les piles de draps.
Le temps est galant homme. Je n'utiliserai pas le grand col en plastique blanc. Ma peau va finir par repousser. Et je mangerai et dormirai en rêvant des gabians et des tourterelles.