Elle m’envoie un mail. Elle sera à Marseille la semaine
prochaine, pour le week-end. Suis-je libre ? Peut-être pourrait-on se
rencontrer ? Elle ne sera pas seule. Elle vient avec son amant. Ils ont
loué un bateau. Je la connais par son blog. Nous nous suivons
ainsi, elle est attentive, laisse souvent des commentaires très amicaux.
Nous nous retrouvons ce vendredi soir sur le Vieux-Port. Le
ponton, le bateau, la douceur du soir. Nous nous regardons, nous nous
retrouvons. Retrouver c’est le mot. Comme de vieux amis, complices, tendres
presque, Pierre et Lucile. On ne se serait pas vus depuis longtemps, on aurait des
tas de trucs à se raconter, se donner des nouvelles, nos jobs, nos enfants, nos
vies… L’apéro passe vite, comme le repas délicieux en terrasse dans l’air tiède
et bruyant du restaurant bondé du dernier soir de l’été. Elle est jolie, brune, vive, des yeux clairs
et rieurs, il est charmant, bavard et gai, ravis tous deux d’être là, de cette escapade
clandestine, ravis des odeurs du port, des gabians qui volent et crient
au-dessus de nos têtes, de la grande pizza aux anchois, des artichauts et des
supions à l’ail, du vin des Côteaux d’Aix…
Il est minuit. « Tu nous rejoins demain ? ».
Non, ce samedi, j’ai des engagements, mais dimanche peut-être…
Dimanche, je prends la navette pour les îles du Frioul où
ils ont mouillé pour la nuit. Il est tôt, mais il fait si beau. La navette est
déjà pleine, touristes et locaux papotent, échangent sur les Journées du
Patrimoine, les balades et les bons plans, elle prend de la vitesse et la
fraîcheur de l’air me fait tressaillir. Il m’attend sur la petite plage avec l’annexe
et nous ramons ensemble pour la rejoindre au bateau, posé dans cette petite
calanque calme. L’eau est si claire, si douce, plongeon dans la Méditerranée, on
sort de l’eau, on se rince en frissonnant un peu, on mange quelques navettes à
la fleur d’oranger. On hisse la grand-voile et nous voila dans la pétole au
large, clapotant tranquillement au milieu des magnifiques bêtes de course de la
Juris Cup, affûtées pour prendre le moindre souffle dans leurs voiles noires en
Kevlar. Les équipages en uniforme virent de bord avec grâce.
Nous traversons la rade et allons nous poser en face des calanques,
derrière l’Ile Maire, au creux accueillant de l’Ile de Jarre pour manger des pâtes vaillamment cuites par Pierre
sur le réchaud asthmatique. Nos mots s’apaisent, c’est l’heure de la sieste, je
m’assoupis sur le pont pendant qu’il la caresse et je me réveille pour voir
ses doigts à lui, plein des fragrances mystérieuses qu’il lui fait lécher…
Au retour, le vent nous porte, on fait le tour du Château d’If,
lumière sublime, ocre beige des pierres, silhouettes des visiteurs en ombre
chinoise, la ville embrumée de chaleur, majestueuse au loin, Notre Dame de la
Garde qui veille, voiles et petits bateaux à moteur, plaisanciers, pêcheurs et
ski nautique.
Retour au port, balade magique, pureté du ciel redevenu
bleu, limpide, coucher rose et rouge du soleil, un mojito au bar, on continue de se raconter nos histoires… On
arrive dans ma maison perchée, c’est beau une ville la nuit.
Après le repas simplement fait, partagé, petit rouge de
derrière mes fagots, discussion vive et un peu émue, féminisme, sexualité, couples, les hommes, les
femmes, souvenirs et traumas, joies et peines, après le repas, la douche et
après la douche…
Nus et humides nous nous rejoignons dans ma chambre. Trois.
C’est tendre et attentif, délicieux et doux, intense et presque brutal, complice et
serein, libre et jouissif.
J’ai un beau coup de soleil sur le nez. Revenez quand vous voulez.