dimanche 17 janvier 2016

Intranquillité

Tu m'as dit "il va falloir faire quelque chose de cet appartement."
Je viens d'en terminer la transformation. Je suis assez contente du résultat et fière d'y être parvenue. Ca m'a demandé du travail, de l'argent, de la confiance. Ce grand mur bleu, cette deuxième chambre, celle-là même que j'ai voulu pendant 9 ans, cette salle de bain enfin terminée, ce sol plus clean, ce grand tapis de corde qui cache la misère du plancher dévasté par l'eau et jamais réparé. Quelques plinthes sur les bas de murs que tu as abattus mais jamais terminés. Cette maison jamais finie. Elle est juste un peu plus finie.
Oui. Cet appartement t'appartient autant qu'à moi et je te dois d'y vivre. C'est un luxe t'ai-je dit. C'est vrai, c'est un luxe. Le coût de revient de cet espace est tel que seule, je ne saurais le supporter.
J'y vis au milieu de nous, de notre décor, de tes affaires.
Tu es parti sans partir vraiment. Est-ce grave de ne pas tout rompre ? Est-ce grave de garder deux pieds dans deux sabots? Je ne sais pas comment tu vis, quelle est ta place chez elle.
Reproductions. Reproduisons-nous le couple de mes parents, toujours si proches après 30 ans de séparation? Reproduis-tu le couple de ta mère et de celui qui n'a finalement que très peu partagé sa vie pendant si longtemps, ta brosse à dent prête à prendre la fuite? Ni tout à fait l'un, ni tout à fait l'autre sans doute...
Je comprends bien que tu aies besoin de penser à un lieu pour toi. "A room of one's own", c'est le titre d'un roman de Virginia Woolf.
Depuis ton départ, je vis comme l'oiseau sur la branche. Cet appartement nous appartient à tous les deux, toutes tes affaires y sont encore, de tes dessins d'étudiant aux souvenirs de ton père, de tes bouquins à tes disques, de tes meubles de famille aux photos de l'enfance, jusqu'à tes chaussures et tes vieux t-shirts.
C'est drôle. Au début, c'était comme si rien ne s'était passé, comme si tu allais rentrer le week-end prochain, comme d'habitude quoi... Je suis passée par différentes phases, accablement, agacement, amusement, et puis, je m'y suis faite.
Je me suis demandé très souvent non pas si, mais quand nous allions aborder la question.
Quels que seraient tes projets, t'installer en couple dans un nouvel endroit, partir sur ton bateau, ou, comme tu l'as évoqué, avoir un lieu à toi, je savais que ça viendrait.
Vois-tu, depuis 4 ans, je vis des temps intranquilles, des temps de précarité, des temps de tentatives avortées, de désillusions, de peur de l'avenir, de peur de la vieillesse (d'une vieillesse chiche qui plus est...) et de la solitude.
Changer de maison, ça voudra dire aussi la fin de cet entre-deux entre nous deux, qui finalement me convient bien... Gardienne du temple un peu tu vois, de cet appartement familial, de ce lieu où comme dans la salle d'attente de la gare de Nantes, j'attends le retour du printemps...