lundi 28 septembre 2015

Et toi ? Qu'as-tu fait de ton été ? (3). Libertine. Vraiment ?

Wikipédia :
Le terme libertin (du latin libertinus, « esclave qui vient d’être libéré », « affranchi ») comporte deux acceptions principales :
Dans sa version d’origine, le libertin est celui qui remet en cause les dogmes établis, c’est un libre penseur (ou libertin d’esprit) dans la mesure où il est affranchi, en particulier, de la métaphysique et de l’éthique religieuse (exemple : Dom Juan de Molière).
Le sens qui prévaut de nos jours se réfère au libertin de mœurs, c’est-à-dire celui qui s’adonne aux plaisirs charnels (voire à la sexualité de groupe) avec une liberté qui dépasse les limites de la morale conventionnelle.

Je les ai rejoints tous les deux. Depuis ces jours là, je l'avais revu lui, une fois, dans les doux frimas de novembre sur la Côte d'Azur et elle pas du tout. Malgré l'envie que nous en avions, malgré quelques promesses et autant de tentatives, le temps, la distance, la vie quotidienne, les chemins caillouteux nous en avaient empêché.
Je les ai rejoints il y a déjà presque longtemps, pour 24 heures de soleil, de douceur, de rires et de sourires, de larmes furtives, de draps blancs et doux, de mer, de routes bordées de platanes, de poissons grillés et de vins légers, de confidences devinées, de caresses et de peaux, de sexes qui se frôlent et se rejoignent.
Avec eux, tu vois, je libertine de moeurs, mais aussi d'esprit. Nous libertinons de liberté dans une jolie relation à trois, rare et précieuse. Nous libertinons de paroles et de gestes. Nous libertinons le jour, la nuit, et aussi le matin.

Eux libertinent résolument, goulûment parfois. Ils font ce que font les libertins modernes, ils vont dans des lieux où ça se fait, et puis sur le net prennent des rendez-vous. J'ai fait ça moi aussi.
Ce soir-là, nous sommes cinq autour de la table,  2+2+1. Je crois que j'aurais eu envie qu'on ne soit que 3, 2+1, ou 1+1+1 ou 1+2.
Mais c'est gai, il y a un jeune serveur maladroit, une petite fraîcheur dans la cour, les deux filles découvrent qu'elles sont allé au même lycée pour jeunes filles catholiques et les garçons qu'ils ont fréquenté les Jez. Moi, j'étais dans le public, élevée par des hussards rouges post-soixante-huitards. Serait-ce moi la vraie libertine, "affranchie de la métaphysique et de l'éthique religieuse" ?

Ce couple de hasard est sympathique, mais je n'ai aucune envie de mélanger mes fluides aux leurs... Je préfère aller danser, seule. J'adore danser seule. Je m'esquive courtoisement lors de la petite promenade boisée qui suit le repas et les laisse alors que ma belle se penche doucement vers son ciel...

Plus tard, au chaud dans la grande chambre blanche, nous libertinerons avec nos corps et nos âmes. Parce que ce sont eux et parce que c'est moi. 



mercredi 2 septembre 2015

Et toi ? Que fais-tu de ton été ? (2)

Demain, c'est septembre. Demain c'est la rentrée. Les orages ont déjà éclaté, la semaine dernière la coulée de boue a bloqué la ligne de chemin de fer. Mais c'était hier. Comme un  avertissement de l'automne à venir.
Pour l'heure, le soleil est revenu. La circulation est dense en tous sens. C'est le dernier week-end des vacances. La longue voiture un peu vintage a gardé la forme carrée des voitures que nous dessinions quand nous étions petits. Elle n'a pas la clim et il fait chaud. La route est longue. On quitte l'autoroute côtière bondée et on remonte doucement la vallée de l'Orb. La circulation s'éclaircit et l'architecture vieillit. Les verts resplendissants, lavés par la pluie, des bois et des vignes, des restanques et de la vallée, des collines, le jaune des foins coupés et des murs, et les tuiles roses et ocres. La petite chapelle sonne la demie-heure cristalline.

On arrive enfin au rond-point du rendez-vous. Comme convenu, un coup de fil, et elle vient nous chercher car elle n'avait pas le droit de nous donner l'adresse exacte de notre destination. On vient, mais nous ne connaissons pas les organisateurs et si l'invitation a été lancée sur Internet, il faut un peu montrer patte blanche.
Ca fait bien deux mois qu'on s'est inscrit pour ce week-end "cordial"... Et nous allons chez des personnes qui mettent leur maison et leur propriété à disposition, sans doute devrais-je dire au service, de leur passion. Car nous allons à une rencontre de Cordes. De Shibari. De Kinbaku, cet art des cordes qui nous vient du Japon et qui se développe sous nos cieux...
Je n'y connais rien ou pas grand chose...J'ai eu une mauvaise expérience il y a quelques années. Encordée, puis plantée là, immobilisée, un grand vent de panique, d'étouffement, de claustrophobie. Ca n'avait pas duré, mais le souvenir est resté vif.

Dans le grand pré, il y a déjà du monde, les tentes sont plantées, nous, on a transformé le break en modeste camping-car, un matelas posé à l'arrière.
Notre délicieuse et rieuse organisatrice nous fait faire le tour du propriétaire, la petite cuisine d'été commune, la piscine, les arbres, l'ombre et le soleil de ce splendide après-midi, en face, la vallée, les collines, au loin la falaise rouge. C'est paisible et beau. Et puis surtout, elle nous présente aux personnes présentes. Il ne manque plus qu'un couple d'amis que nous connaissons bien et un retardataire, croisé sur le Net, et que je me réjouis de rencontrer. Il arrivera pour l'apéro.

Une dame est encordée sur un grand plaid. Son compagnon a l'accent chantant du Sud-Ouest. D'autres viennent d'Auvergne, de Belgique... Cette réunion est européenne! Nous devrions être presque 30... Sourires échangés, on sort notre caisse de Bordeaux, nos melons et nos tartes maison. On s'installe tranquillement dans cette atmosphère amicale. Sur le pré, quelques structures, solides montants pour faire des suspensions.
Ca discute ferme sur les techniques, la solidité, la qualité des cordes, leurs longueurs, leurs matières, chanvre, jute, coton, synthétique... Ca discute fouets, martinets, cat'o nine tails... Je m'essaye à manier un magnifique objet, lourd, souple, dangereux, mystérieux... Celui auquel il appartient est un maitre du genre. J'ai bien observé ses deux bras, ses deux mains occupées par le cuir,  faire des huit réguliers qui sifflent à peine. C'est très beau. Mes poignets et les muscles de mes avants-bras ne suivent pas... c'est difficile. Je suis aussi maladroite qu'un jeune enfant qui essaie de faire rentrer des triangles dans des ronds. Je tends mes fesses et la sensation est magnifique.
En couple, les uns encordent et les autres sont encordées. On regarde, on apprend. Ca "travaille"...

Le ciel passe au bleu foncé, profond, la pleine lune se lève sur nos libations, nos discussions, nos plaisanteries. Nous nous sentons bien lui et moi. Vraiment bien. Nos hôtes sont généreux de nous offrir ainsi l'occasion de partager tout cela. Et les gens sont juste là, sans frime, sans tralala, chacun s'habille comme il l'entend, short et tongs ou tenue fétish, ce grand jeune homme aux cheveux longs, silhouette longiligne en corset et en jupe, hautes bottes sur ses jambes fines. Notre organisatrice en est à sa troisième tenue. Elle a fini par opter pour du vinyle. Je mets ma petite robe noire, tandis que Fifi est nu, piercings et chaînes, au bout de la laisse virtuelle de sa maîtresse. Et c'est bien comme ça. C'est juste comme on veut. C'est fraternel en quelque sorte. Un endroit sans jugement.
Plus tard dans la nuit, les jeux reprennent et se poursuivent. J'aide un peu Salomé de mes mains et de mes petites griffes sur son homme. Complices... Je ne sais plus qui au matin, inventera un joli mot, repris plus tard... Ca a "claqueté" dans la nuit sur son cul...
Sagement vers minuit, la fraîcheur et l'humidité aidant, tout le monde se retire, sauf deux qui, sur une grande couverture à la belle étoile, parlent, parlent, parlent et s'endormiront, nous l'apprendrons, dehors, vers 5h, presque aux premières lueurs du jour...

Le lendemain, amour fait au petit matin, le break est sous un grand figuier lourd de fruits, café passé, tête encore dans les étoiles, je vais me faire encorder à mon tour. D'abord par François, une sorte de sommité dans le genre tu vois... Il m'attrape et hop! en 5', me voila immobile, jambes à moitié pliées, yeux grand ouverts, sur la pointe de mes orteils, suspendue au soleil. C'est un petit échauffement me dit-il. C'est bien. C'est amical et je n'ai pas peur. Attention, me dit-il en me détachant. Je suis tout sourire... Tu vas y prendre goût!
A la piscine, il encorde sa compagne et une autre, et une autre et les jette dans l'eau... Tout est safe, il y a du monde pour parer si jamais... C'est assez ludique, mais quand même, jetée à l'eau entravée... Je n'y suis pas encore...

Vient le moment, enfin, où Morphée me prend dans ses bras... Morphée, c'est son nom. Une amie commune nous avait avertis l'un de l'autre. Si Morphée est là, m'avait-elle dit, tu renoueras avec les cordes. Nous avons parlé la veille. Elle lui avait aussi parlé de moi. C'est un homme jeune, beau, mince, presque gracile, calme et tranquille, souriant. Il est là avec sa compagne, la belle et rauque Insolence.
Assise en tailleur, il me bande les yeux. Tous ses gestes sont empreints d'une grande douceur et d'une grande fermeté. Jusque là, j'étais observatrice. C'est à mon tour d'être impliquée. Il va prendre son temps, être avec moi tout le temps, dans le calme et le silence chuchoté de cet endroit intime et ombragé.
Les bras derrière le dos, il m'indique comment mettre mes mains.
Tu ne dois jamais sentir que tes pouces s'endorment et si tu as des fourmis, dis-le tout de suite. Bouge tes doigts de temps en temps et vérifie. Ne jamais oublier que ce sont des jeux dangereux. Qui ont pu être mortels ailleurs en d'autres temps. Cet autre ami présent nous racontera comment sa compagne s'était évanouie pour des cordes qui compressaient son plexus, entre les mains d'un homme inexpérimenté. Il faut apprendre et apprendre encore, ne pas brûler les étapes.

Les cordes douces glissent sur moi. Le buste d'abord, puis les jambes, chaque orteil est enserré. Petit à petit, ça serre. Ligotée. Doucement, je sens mes fesses qui décollent du sol. Doucement mes jambes sont soulevées. Pliée en deux, puis déployée. Ma tête bascule vers le bas. Interloquée, enveloppée, enserrée, je me balance. Ca tourne. Je lui demande de ne pas me faire tourner, je n'aime pas ça, ça me donne la nausée. Il est là. Je ne tourne plus. Ca ne tourne plus. Je lâche les muscles de mon cou. je laisse aller ma tête et ce n'est pas que physique. Je laisse aller. J'écoute. On parle tout bas. Je le sens qui est là. Attentif mille fois.
Tout aussi doucement que j'ai été soulevée, je sens le sol me rejoindre. La tête me tourne. C'est très déroutant. Je suis assise. Il est derrière moi, je me blottis dans ses bras. Il me dénoue. Les cordes douces glissent encore sur ma peau, sur mes cuisses, sur mes seins.Mon foulard tombe mais je garde les yeux fermés. Je m'allonge. La tête posée sur ses genoux, les sanglots montent. Je pleure, je pleure.

Un peu plus tard, je l'observerai, lui et Insolence, dans un jeu où ils seront si proches, une suspension dure, tendre et érotique... C'était très beau et très intime. Je ne me suis pas sentie voyeuse. Nous avons simplement partagé ce moment.

Et puis le week-end s'achèvera avec un sublime carrot cake, du saucisson et de la bière belge...
Le chemin du retour, dans la douceur de la nuit tombée, fut presque court...
Je ne sais pas si vous lirez ce texte, mais... Merci à tous!


                                                        (photo contractuelle)